Pour sa troisième édition, le festival Variations de Nantes illustre encore la créativité contemporaine, l’effervescence du mélange des genres et l’universalité intemporelle du piano et des claviers. Fleur Richard (secrétaire générale du Lieu Unique) et Pierre Templé (responsable artistique du festival), nous ont présenté ce festival.
En musique, la variation consiste à apporter des modifications (mélodiques, rythmiques, harmoniques) à un thème ou un élément musical repris sous différents aspects, mais toujours reconnaissable. Des Variations Goldberg de Bach aux Variations Eroïca de Beethoven, c’est l’un des procédés les plus féconds de la musique occidentale, qui a infusé les musiques populaires, de la chaconne à l’improvisation dans le jazz, de la musique sérielle au retour du refrain dans la pop. Le Lieu Unique à Nantes et la Fondation BNP Paribas présentent la troisième édition d’un festival ambitieux autour du piano et des claviers, s’inscrivant sous ce riche et polysémique concept de la variation, qui peut aussi être climatique, humorale, chorégraphique ou mathématique.
Outre les espaces du Lieu Unique, sept lieux partenaires à Nantes accueilleront une semaine de concerts mettant en scène la richesse créative dans le domaine des musiques classiques, jazz, électroniques, expérimentales, improvisées ou traditionnelles, avec pour seule contrainte d’intégrer au projet présenté le clavier, sous toutes ses formes (piano, ordinateur, harmonium indien, sanza africaine, clavecin, accordéon, orgue synthétiseur). Au programme notamment : le retour sur scène du mythique groupe cold-wave anglais Dead Can Dance, la collaboration entre le maître de la musique minimaliste américaine, Terry Riley, et son fils Gyan, le mariage des synthétiseurs modulaires de Villeneuve & Morando aux cordes du trio Vacarme, des live d’Apparat, Etienne Jaumet, la star de la musique instrumentale moderne mauritanienne Ahmedou Ahmed Lowla ou Crowd, la variation autour d’une rave de la chorégraphe-marionnettiste Gisèle Vienne et ses quinze danseurs-noctambules, sur la techno de Peter Rehberg. Sans compter les multiples concerts de musique classique, jazz, de musiques du monde, improvisées ou traditionnelles qui essaimeront toute la ville de Nantes, du 23 au 30 avril.
Fleur Richard (secrétaire générale du Lieu Unique) et Pierre Templé (responsable artistique du festival) ont répondu par mails à nos questions.
Comment est née l’idée d’un festival autour des pianos et des claviers ?
Fleur Richard & Pierre Templé : L’idée est née au cours d’une conversation avec la Fondation BNP Paribas, qui avait envie de s’engager avec le Lieu Unique pour montrer la richesse de la création contemporaine en musique, discipline artistique que la Fondation soutient sans faillir depuis des années. AuLieu Unique, nous aimons croiser les esthétiques et les publics, aussi avons-nous eu l’idée de bâtir un rendez-vous dont le fil conducteur serait un élément transversal, à la fois incontournable et multiple, familier et méconnu, qui permette au public de découvrir à travers ses déclinaisons tout le spectre musical d’aujourd’hui. Le clavier s’est imposé comme instrument « roi », capable d’emmener tout le monde au gré de ses usages sur les chemins du classique, du jazz, des musiques contemporaine ou traditionnelle, mais aussi de la pop, de l’electro… Sans aucune limite ni frontière.
Comment avez-vous choisi le nom même du festival “Variations”, aussi ancré dans l’histoire de la musique que riche de sens et d’ouvertures possibles ?
Justement pour cette raison : il s’agit d’un terme emprunté au vocabulaire musical mais qui est utilisé également dans de nombreux domaines ou dans le langage quotidien. Il évoque à la fois l’exigence technique et artistique tout en titillant l’imaginaire.
Depuis leur contrainte initiale, le clavier, jusqu’où peuvent aller ces “Variations” ? La corde, le marteau, l’onde ?
Les Variations n’ont pas de limite réelle : nous avons eu depuis la première édition toutes sortes de claviers inattendus. De l’harmonium à l’orgue ou l’accordéon pour les classiques, en passant par le crystal bachet, le marimba, le long string instrument… Chaque année nous avons un « instrument ovni », sorte de petite surprise réjouissante que nous réservons à notre public. En 2019, nous sommes heureux d’accueillir Gaëlle Coulon et son organetto médiéval. Un instrument rare, sorte d’orgue portatif que la musicienne est l’une des seules à manipuler en France.
Quels exemples d’explorations “extrêmes” de l’instrument donneriez-vous ?
L’année dernière nous avons accueilli la musicienne néo-zélandaise Helen Fullman, qui jouait sur un instrument de sa création : de longues cordes de plus de 20 mètres, tendues en travers de notre plus grand espace au lieu unique : la cour, immense terrain de jeu de 1200 mètres carrés. Les cordes tendues formaient une sorte de catwalk musical, le long duquel le public assis a assisté à une traversée faite de nuances infimes de frottements de cordes. Ou encore, cette année, la performance de Vicky Chow au piano accompagnée de quarante hauts-parleurs qui font écho à la mélodie du clavier, en une sorte de symphonie électrique autour d’un piano. Mais l’expérience la plus extrême de notre point de vue, c’est de maintenir l’intérêt des mélomanes et des curieux durant trois jours autour d’un instrument que tout le monde pense bien connaître. Pour cela, nous sommes heureux de voir qu’il y a des amateurs !
Découvrez la playlist du festival ci-dessous :
Par Wilfried Paris