Après le succès de Stay Gold en 2014, les Suédoises Klara et Johanna Söderberg nous offrent un disque intime, sans concession, droit au cœur. Ruins est leur quatrième album.
On aura tout entendu sur les sœurs Söderberg. L’image de petites filles modèles, courant pieds nus dans l’herbe avec leurs longues robes à fleurs, appartenait au fantasme pour les uns. D’autres trouvent offensant qu’elles se réapproprient les codes de la tradition country-folk. Il aura fallu qu’elles collaborent avec Jack White, sur une reprise d’Universal Soldier en 2011, pour prouver leur valeur. « On était toutes jeunes à l’époque, c’est quand même triste de se dire qu’il a fallu l’intervention d’un homme pour être prise au sérieux », regrettent-elles aujourd’hui.
Klara (chant/guitare) a l’esprit rebelle. Elle ne l’assumait jusqu’ici qu’en live, mais sa furieuse envie de tout détruire suite à sa dernière relation amoureuse ouvre leur quatrième album. Johanna lui emboîte le pas. « J’étais une gentille fille, mais je ne le suis plus », plaisante-t-elle. La maturité, elle l’ont acquise ces dernières années sur les routes, jusqu’à l’épuisement. Klara, qui avait 16 ans la première fois qu’elle est montée sur une scène, a frôlé le burn out, mais sa sœur, Johanna, en avait encore sous le talon. « Je suis très dure avec moi-même, reconnait celle-ci, et j’ai été très exigeante avec ma sœur… Le groupe était toute notre vie. On ne s’est jamais arrêté en dix ans ! Il fallait qu’on prenne du temps pour comprendre qui on était vraiment. »
“Il a fallu retrouver notre équilibre”
Un break fut entamé, chacune de leur côté, pour faire taire leurs propres démons. Car si la déception amoureuse de Klara traverse tout l’album, c’est bien leur alliance parfaite qu’elles ont dû rebâtir sur les ruines de leur amitié perdue. A Los Angeles, où elles se sont finalement retrouvées, elles étaient embarrassées à l’idée de retravailler ensemble. « J’étais dans un tel état, se souvient Klara… Je ne pensais qu’à sortir, alors que Johanna était là pour travailler. Il a fallu retrouver notre équilibre. »
Le résultat est bouleversant. Ecorchées vives, elles n’ont jamais été aussi honnêtes l’une envers l’autre. Les chansons gagnent en profondeur, vulnérabilité et sérieux. Elles délaissent l’acoustique pour des orchestrations sombres, plus électriques, exigeantes, moins polies, loin de la machine à tubes Stay Gold (2014). Les musiciens Peter Buck (R.E.M.), Glenn Kotche (Wilco) et McKenzie Smith (Midlake) contribuent à faire émerger un son nouveau. Débarrassées de leurs harmonies vocales, elles s’offrent un final de haute volée avec un break instrumental qui fait figure d’ovni dans leur discographie. Le commencement d’autre chose, assurent-elles.
Alexandra Dumont