“Écrire l’histoire du grand partage, c’était le bleu passé/Maintenant je chante les rivages du Brésil oublié”. C’est dit, Sébastien Tellier laisse tomber les théories spirituelles et fumeuses de My God Is Blue (2012), un disque qui voyait tout de trop haut, pour se retrouver sur les rivages de l’Amérique latine. Il s’agit d’une tradition française, la tentation brésilienne ayant souvent porté ses fruits (exotiques), comme quand Françoise Hardy convoquait la saudade ravageuse de Tuca pour atteindre le sommet inégalé de sa discographie, La Question (1971), ou quand Dominique Dalcan se ressourçait le temps d’un voyage transatlantique sur Ostinato (1998). Si Sébastien suit le même pèlerinage en terres lusophones, il le fait à sa manière inimitable, lyrique et passionnée. Ne versant jamais dans la demi-mesure, c’est à une légende locale, Arthur Verocai (dont le premier album éponyme paru en 1972 reste une perle rare de la plus belle époque de la pop brésilienne), qu’il confie les arrangements de cordes pour habiller des compositions qui font la part belle aux rythmes bossa-nova et samba. “Naïve comme une toile du Nierdoi Sseaurou”, comme le chantait Gainsbourg (auquel on pense souvent ici), la pochette multicolore – Sébastien nu comme un ver qui chevauche un oiseau bleu – appose à ce Brésil un parfum de paradis perdu. Car le Sébastien Tellier conceptuel n’est jamais loin, même dans une œuvre qui chante la simplicité solaire de la vie tranquille (Aller Vers Le Soleil, Sous Les Rayons Du Soleil).
Ainsi, sur L’Aventura, le Brésil se révèle avant tout une métaphore d’un âge d’or de l’existence, une allégorie de l’enfance, déclinant ses bonheurs éteints (L’Enfant Vert), se confrontant à ses périodes pénibles (Ricky L’Adolescent) ou en pleurant les pertes irréparables (Comment Revoir Oursinet ? en l’honneur du nounours disparu, fresque d’un quart d’heure qui ravive la flamme des morceaux à tiroirs de son premier LP L’Incroyable Vérité, 2000). Musicalement, L’Aventura est l’une des collections les plus abouties de l’auteur. De l’introduction instrumentale Love, cinématique et joueuse comme du Michel Legrand, aux méandres progressifs mais jamais chiants de Comment Revoir Oursinet ?, Sébastien Tellier fait preuve de maturité, celle d’un musicien libre de tout, narguant le ridicule avec la candeur des fous. Sous Les Rayons Du Soleil, parfaite illustration de sa pratique novelty, s’ouvre sur des sons synthétiques et couillons pour mieux les transcender via des cordes mélodieuses. Si sa passion sans limite le pousse parfois à surjouer (les intonations théâtrales de L’Enfant Vert), ses talents de parolier (entièrement en français pour une fois), son vocabulaire facile et précieux ainsi que le thème éternel décliné font de L’Aventura l’album le plus personnel de Tellier. Ce qui entérine un principe que l’on avait découvert avec Sexuality (2008) : c’est bien quand Sébastien se met à poil qu’il est le plus touchant.