Marlon Williams a troqué sa guitare country pour un piano chagrin. Make Way For Love, signé chez Dead Oceans (sortie 16 février), est marqué par une histoire personnelle. Celle d’une rupture, celle d’une solitude. Sans excès de pathos, Marlon Williams nous a raconté la création de son second album, fragile et mélancolique.
Ceux qui ont aimé ton premier album, Hello Miss Lonesome, peuvent être déstabilisés à l’écoute de Make Way For Love. Pourquoi t’être éloigné de la country ?
Je ne suis pas sûr d’avoir vraiment choisi, je l’ai fait inconsciemment. C’est en lien avec la façon dont j’ai écrit ces nouvelles chansons. La plupart, je les ai composées au piano. Je n’ai pas choisi, c’est juste comme ça que cela s’est passé. J’en avais besoin. J’ai été contraint, incapable de faire autrement. Et lorsque que je suis au piano, je vais avoir tendance à être attiré par certains accords. Lorsque je suis à la guitare, j’ai tendance à jouer de la country.
Avais-tu peur d’être rangé dans un style de musique ?
Je ne crois pas que cela ait à voir avec une influence extérieure. Peut-être qu’une part de moi était fatiguée de jouer toujours les mêmes accords. C’est difficile d’expliquer ses propres raisons, ce pourquoi on change de style musical.
Is « Love a Such a Terrible Thing » ? (titre d’un des morceaux de l’album)
(Rire) Non… Cette chanson parle du fait d’utiliser l’idée que l’amour est un chose très dure pour se sortir d’une situation… C’est une façon de se protéger, de se cacher. (silence) Mais c’est terrible aussi.
Et tu l’as expérimenté…
Oui ! oui oui… effectivement. (rire) C’est la pire chose au monde…
Ton ex-compagne, Aldous Harding, est chanteuse, elle aussi. Mettre tes émotions en chanson dans ce nouvel album, parler de votre rupture, était-ce une façon de continuer de communiquer avec elle, indirectement ?
Peut-être un petit peu, mais c’est plus une conversation avec moi-même. C’est la première fois que j’utilise la musique comme une thérapie. […] Tous les points de vue de cet album sont les miens, c’est mon histoire : ma lutte pour m’en sortir. Mais il y a effectivement des moments où j’essaie de lui communiquer quelque chose…
Le fait de vivre un échec sentimental a-t-il libéré ta créativité, même si l’idée est éculée ?
C’est un des très vieux clichés que l’on trouve dans les livres oui, et je l’ai toujours connu, en théorie. Mais je ne l’avais jamais à proprement vécu. Ça sonne usé, rebattu, cliché, mais c’est aussi une chose extrêmement nouvelle pour moi. C’est intéressant d’expérimenter cela personnellement. […] Peut-être en avais-je besoin pour forcer le côté dramatique (rire)… ce qui est un peu inquiétant pour le futur.
A partir d’une histoire personnelle, tu parviens à toucher beaucoup de monde. C’est l’acte d’écrire un album universel en parlant de soi ?
J’avais très peur de cela lorsque j’écrivais les morceaux. Je me disais : « Les gens n’on pas envie d’entendre mes conneries ». Puis j’ai parlé à mon ami Delaney Davidson, avec qui j’ai beaucoup travaillé par le passé, et il m’a rassuré. Il m’a dit : « Chaque personne qui écoute ton album à son propre ego. Les gens ne penseront pas à toi lorsqu’ils entendront tes morceaux, ils penseront à eux-mêmes. » Tu dois te dire que les gens vont réinterpréter les choses à leur manière. C’est une notion très importante à réaliser, qui te fait redescendre, ravaler ton ego. Je dois y croire et faire confiance aux gens.
Entretien : Louise Beliaeff
Photo : Steve Gullick