Sourdure : l’Occitan pop moderne

Le passionnant projet solo d’Ernest Bergez sous le nom de Sourdure redonne vie à la chanson du patrimoine occitan dans un dispositif expérimental qui fait le pont entre tradition et exploration.

Qui : Ernest Bergez est connu pour officier comme moitié du duo électronique Kaumwald, mais aussi comme proche du collectif La Nòvia, lieu de réflexion et d’expérimentation autour des musiques traditionnelles basé en Haute-Loire. Après une poignée de productions diverses, un album, La Virée (Tanzprocesz / ASTRUC, 2015), et une commande pour un festival, Mantras (Standard In-Fi, 2017), ce natif de Lyon dévoile son troisième ouvrage, L’Espròva sur le label Les Disques du Festival Permanent. Passé par les bancs de l’école nationale de musique de Villeurbanne, puis de ceux du centre de formation des enseignants de la musique de Rhône Alpes, ce multi-instrumentiste et ingénieur du son est aussi titulaire d’un diplôme d’État de professeur en musiques actuelles amplifiées.

Son actu : Sur L’Espròva – « l’épreuve » en occitan -, paru le 25 mai, il relie passé et futur, en actualisant un patrimoine auvergnat en passe de disparaître. Cet album, expérimental mais plus lisible et précis que son travail préalable, pose un jalon important dans sa carrière.

Sa musique : Un ovni. C’est le mot. Mais celui-ci ne se contente pas de fendre le ciel hexagonal : il décolle de ses terres occitanes, de Clermont-Ferrand l’Auvergnate précisément, avec pour mission de faire rimer tradition et expérimentation, campagne et ville. Dans une interview donnée au Drone, il confiait : “Les musiques et danses locales sont vues d’un regard amusé et distant. Cette méconnaissance du patrimoine oral est révélatrice de la rupture entre le monde paysan et le monde des villes et des bourgades.” Cette affirmation révèle en quelque sorte les préalables de sa démarche. Et, au passage, la justification de son mot-valise de nom.

Son champ d’expression se ressert aujourd’hui et le résultat parvient maintenant à jouer à parts égales sur les deux plans des plaisirs cérébral et auditif. L’ambiance nocturne de La Bufeta Negra évoque la musique concrète de La stazione de Herbert Distel ; le dub pointe son nez aux derniers instants d’Un Jorn d’Aquesta Prima ; sur Lo Soqueton / La Marche Mauve, les synthés modulaires avancent dans l’ombre des belles cordes pincées ; par moment, sa musique aborde d’autres territoires quand elle semble se souvenir de quelques mélodies populaires du Maghreb sur L’Étendu ou Passa aqui. L’Espròva est un voyage passionnant, ample et dense. Comme son auteur.

À écouter : L’Entendu, extrait de L’Espròva 

Benjamin Pietrapiana

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