Avec son troisième album, Danse dans les ailleurs, le Français Julien Barbagallo, batteur de Tame Impala, s’est isolé avec un ingénieur du son dans un studio perdu dans le Lot ayant appartenu à Nino Ferrer pour continuer une carrière solo de plus en plus prometteuse.
Tu as un style très affirmé entre pop et littérature. Comment tu te vois dans l’univers musical actuel ?
Comme un mec qui a parfois des idées de mélodies et qui a suffisamment de courage pour en faire des chansons et les faire écouter à d’autres. J’ai parfois l’impression d’être une sorte de medium. Il y a des choses qui me tombent du ciel et il faut que je le rende en toute simplicité et humilité. En fait, c’est très simple, je me vois comme un petit artisan qui fait son boulot du mieux qu’il peut.
Le fait d’être en solo te permet d’ailleurs de façonner tes chansons comme tu veux, sans compromis ?
Bien sûr. A l’époque d’AquaSerge, mon ancien groupe, on apportait chacun des choses qui nous tenaient à coeur mais une fois mises ensemble, c’était mélangé au reste parce qu’on ne peut pas aller au bout de chacune de nos idées sans faire des compromis. Quand tu es seul, tu n’as pas besoin de passer par ce stade là, c’est direct de la tête à la bande.
Tu avais fait le tour de la question en étant en groupe ?
Le solo est une longue histoire en pointillés pour moi. Magic est le magazine qui a chroniqué mes tous premiers enregistrements solo en 2010 quand je faisais un truc en anglais qui s’appelait Le Cube. J’ai commencé à vraiment m’y investir à partir du moment où j’ai chanté en français. J’ai eu la sensation d’une vraie naissance de projet à ce moment-là. Je me suis mis à nu et j’ai arrêté toute cette mascarade de chanter en anglais, dans une langue qui n’était pas la mienne, avec un vocabulaire qui finalement ne suffisait pas à traduire tout ce que j’avais envie de communiquer.
Être seul, cela pousse logiquement à chanter ses propres chansons. Est-ce que tu as eu du mal à apprivoiser ta voix ?
J’ai eu du mal à l’assumer, ce qui est une bêtise. On se compare. On complexe. J’estime avoir une voix assez neutre. Je n’ai pas de personnage, je crois, quand je chante. Je fais du mieux que je peux mais ce n’est pas facile.
Pour revenir à ton album, tu es allé en studio pour la première fois avec un ingénieur du son, Angy Laperdrix. Qu’est ce que ça t’a apporté de l’avoir avec toi ?
Plein de choses. Déjà c’est un ami donc ça m’a apporté le confort émotionnel de pouvoir être bien entouré. Je pouvais douter et échouer. Le processus d’enregistrement est aussi intime que la proposition en réalité. Tu as besoin d’être en confiance avec les gens qui t’entourent. Ça m’a aussi apporté une oreille extérieure.
Tu as aussi enregistré dans un endroit assez atypique : le studio Barberine qui est perdu au milieu des forêts du Lot…
C’est un endroit sublime. L’atmosphère du lieu est très belle, reposante, inspirante, quasiment mystique. C’était le studio de Nino Ferrer qui l’avait fait construire dans les années 70 pour ses propres productions et pour l’habiter. Du coup, tu as un sentiment de tradition qui se perpétue, qui s’inscrit dans un espèce d’artisanat.
On n’avait que dix jours mais c’était un tel plaisir de travailler dans ces conditions qu’on ne voyait pas le temps passer. Toutes les heures de la journée étaient très belles.
Tu cherchais un lieu comme ça, un cocon, reculé ?
Oui, j’avais des pistes pour enregistrer à Paris mais pour moi il fallait être dans la nature, dans l’isolement, dans une absence de distraction, dans quelque chose qui permet vraiment de se recentrer, d’être dans le moment à 200%. Il y avait vraiment une cohérence entre les chansons et cet endroit-là.
La prochaine étape, maintenant, c’est des concerts ?
Ouais il y a des concerts qui arrivent à l’étranger pour commencer et puis en France, notamment le 15 mars au café de la Danse. Puis ça dépendra de l’accueil qui sera fait au disque. Ensuite, en juillet, je recommence avec Tame Impala pour une série de concert en Europe et aux Etats-Unis.
Luc Magoutier