Pour son quatrième ouvrage, Jean-Marie Pottier (également journaliste pour Magic RPM) raconte l’histoire d’un rock américain "indépendant" qui, en l’espace de deux décennies, a presque autant tutoyé les stars que visité les bas-fonds de l’Amérique. Une anthologie, de Black Flag à Wilco, avec Nirvana en figure de proue…
La Release Party de “Alternative Nation (la scène indépendante américaine 1979-2001)” aura lieu mercredi 13 octobre 2021 au Motel, 8 Passage Josset à Paris, en présence de Jean-Marie Pottier et Julien Courbe, l’auteur de cette chronique.
Les années 1990 auraient pu voir pulluler d’affreuses compilations “Nos Années Grunge” et les CD s’orner de stickers “100% Alternatif” : Nirvana (comme Sonic Youth quelques années auparavant) avait quitté son label indépendant pour les spotlights d’une major, MTV diffusait les clips de Soundgarden en boucle, l’industrie de la mode proposait des versions haute-couture des jeans déchirés et des chemises de bucherons…
Le rock US n’avait plus grand-chose à voir avec son incarnation passée, subversive, fauchée, débrouillarde, foisonnante et foncièrement indépendante. Matador, Thrill Jockey, SST, Drag City, Sub Pop étaient rentrés dans le rang et leurs groupes allaient bientôt se fondre dans une masse plus policée.
100 pages pour l’histoire, 200 pour les disques
Ces raccourcis commodes relèvent d’une évolution somme toute classique, décrite dès le début du vingtième siècle par le philosophe allemand Theodor Adorno : une musique de niche qui perd son âme et son essence en devenant progressivement un divertissement de masse. Cette facilité, Jean-Marie Pottier ne tombe évidemment pas dedans dans son livre Alternative Nation (la scène indépendante américaine 1979-2001). En une centaine de pages, il relate l’histoire de cette scène indépendante américaine. En deux centaines d’autres, il la documente encore plus précisément, en évoquant cent albums emblématiques, évidents, mésestimés, rares ou passé inaperçus. Et brosse ainsi un portrait fascinant et érudit de cette nation alternative.
Dans sa première partie, le livre se décline en roman d’historien et narre les carrières et évolutions souvent contrariées des protagonistes de cette histoire. D’anecdotes en analyses, d’une côte à l’autre du pays, d’un label à ses groupes, c’est tout une cartographie qui s’anime et prend sens.
Votre disque culte
Jean-Marie Pottier, avec sa connaissance encyclopédique et son sens de la hauteur, tisse une toile et relie les disques et les musiciens entre eux. De Seattle à Chapell Hill, de Chicago à Athens, des groupes naissent (et disparaissent), des musiciens passent d’une formation à une autre, des scènes locales se créent, des revendications politiques émergent (et s’éteignent) et au fil de l’histoire Black Flag croise R.E.M, les Meat Puppets flirtent avec Beck, les Minutemen s’acoquinent avec Trumans Water… A moins qu’on ne fantasme ses souvenirs d’adolescence.
Dans sa seconde partie, c’est un exercice déjà éprouvé, notamment dans Indie Pop en 2016, auquel s’adonne l’auteur : raconter, plutôt que chroniquer, cent albums… Comme il le précise, notre disque culte, notre trésor caché, ne s’y trouve (probablement, peut-être) pas. Mais cent d’autres y sont narrés chronologiquement, remis en perspective et décrits avec force anecdotes et citations.
Des cultissimes mais finalement peu écoutés Flipper, Unrest aux évidences Pavement, Swell, Fugazi, Sebadoh (on pourrait en citer des dizaines), c’est une bacchanale de guitares rugueuses, chants écorchés et rythmiques stridentes. On y trouvera forcément de nouveaux groupes à découvrir et à chérir… et, comme le fait brillamment Jean-Marie Pottier, à passer à d’autres plus tard.
JEAN-MARIE POTTIER
Alternative Nation (la scène indépendante américaine 1979-2001)
Éditions Le Mot et le Reste (16/09/21)