Ou comment l’un des sommets de 2013 fut enregistré en… 1997. Si l’on croule sous les best of et autres rééditions, on a plus rarement l’occasion de découvrir plusieurs années après des disques qui ne sont pas sortis à l’époque où ils ont été enregistrés. Dans l’admirable et peu dispendieuse carrière de Beachwood Sparks – trois albums en douze ans –, Desert Skies aurait donc dû paraître avant le premier LP éponyme publié en 2000 par Sub Pop. Et c’est un scintillant chef-d’œuvre que l’on découvre rétroactivement, un disque au plus proche des influences anglaises que les frères Brent et Darren Rademaker (ce dernier ne faisant pas partie de Beachwood Sparks) distilleront au mieux dans The Tyde. Si on y retrouve aussi des guitares rageuses à la J Mascis (rappelant Further, la formation précédente de la fratrie), Desert Skies fait surtout la part belle à cette fameuse cosmic american music chère à Gram Parsons, un concept censé emmener toutes les musiques traditionnelles – la country en premier lieu – vers la modernité. Étrennée par Parsons dans son premier groupe The International Submarine Band et consolidée lorsqu’il rejoint The Byrds en 1968 au moment de l’album Sweetheart Of The Rodeo, cette grande musique cosmique culmine lorsque Gram Parsons prend la tangente avec Chris Hillman pour former The Flying Burrito Brothers (le LP The Gilded Palace Of Sin, 1969) avant de publier coup sur coup deux disques en solo (GP en 1973 et Grievous Angel l’année suivante).
Or si la tutelle de Parsons a toujours été flagrante dans les créations de Beachwood Sparks, jusqu’à l’autre chef-d’œuvre The Tarnished Gold (2012), cette collection nouvellement exhumée laisse entendre des musiciens en pleine schizophrénie, autant attachés à la pop anglaise dans ce qu’elle peut avoir de plus noble qu’à ces racines cosmiques. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer la version du morceau Desert Skies présentée ici avec celle incluse sur le premier album officiel Beachwood Sparks (2000), tout en retenue country rock. On songe alors obligatoirement à Teenage Fanclub, autre grande formation qui a su établir une jonction hallucinante de qualité entre les continents et les différentes époques de la maestria pop via Big Star, The Beatles, Dinosaur Jr, Badfinger et The Byrds. Make It Together, avec son Theremin emprunté aux Beach Boys, nous fait sentir que nous sommes bien en terres californiennes. Et puis déboule Time, la merveille absolue, en lice pour remporter le titre de plus belle chanson pop mélancolique de tous les temps – entre la grâce de Felt (ces arpèges à la Maurice Deebank en ouverture, à pleurer), l’élégance d’East Village et la classe de The Pale Fountains, tel un crachin anglais sur les rivages du Pacifique. Watery Moonlight revisite la pop sixties avec le son de Spiritualized, ce que viennent confirmer Sweet Julie Ann – odyssée façon Teenage Fanclub sous puissants hallucinogènes – et Canyon Ride – autre perle reprise ensuite sur le premier LP, comme du Ride période Carnival Of Light (1994). Quant à la chanson conclusive Midsummer Daydream, elle démarre comme un traditionnel country rock avant de partir explorer le cosmos. Une option que Beachwood Sparks abandonnera pour rester, non sans bonheur, les pieds dans la poussière de Laurel Canyon.