Victime collatérale du retour triomphant de Godspeed You! Black Emperor en 2010, Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra s’est retrouvé privé pendant quatre ans de trois de ses membres au moment même où le groupe se trouvait à la croisée des chemins. Passée brutalement de sept à cinq membres, et venant de signer un Kollaps Tradixionales (2010) à la beauté en demi-teinte, la troupe semblait hésiter entre affermissement et accalmie, agressivité et mélancolie. Après l’avoir laissée en suspens, Fuck Off Get Free We Pour Light On Everything tranche la question de la plus belle manière : le futur de Thee Silver Mt. Zion est fait de rage et de colère, d’une assurance que rien n’arrête. Retrouvant en effectif réduit la férocité du grandiose 13 Blues For Thirteen Moons (2008), Thee Silver Mt. Zion signe six protest songs ténébreuses que la situation politique montréalaise a inspirées. Les compositions du groupe n’ont jamais été aussi immédiates et ancrées dans le présent, loin de l’image absurde de projet parallèle morose qui lui colle encore à la peau.
Batterie rentre-dedans, guitares tapageuses et violons déchirant l’air, la première face de ce septième LP montre les dents avec trois énormes bravades punk clamées d’une voix élimée par Efrim Menuck, comme pour exorciser le mutisme imposé par l’avancée inattendue de Godspeed ces dernières années. Si la fin de parcours se fait plus douce avec deux courtes berceuses hantées, elle voit aussi le quintette signer l’un de ses plus beaux titres, What We Loved Was Not Enough, longue supplication aux paroles déchirantes qui laisse l’âme en miettes et le cœur rempli d’un infime mais curieux espoir. C’est finalement dans cet entre-deux doux-amer que Thee Silver Mt. Zion s’époumone depuis maintenant quatorze ans avec une beauté inchangée, diffusant tant bien que mal ses douloureuses lumières.