L’injustice, encore et toujours. Ian Crause (ex-Disco Inferno) reste au même titre que l’idole Lawrence (Felt) une illustration aberrante de l’injustice dans le monde moderne. The Vertical Axis était dans les tuyaux depuis quelques années et de glorieux extraits ont volontairement fuité depuis l’an dernier. Mais son auteur est incapable de se faire un minimum confiance, convaincu qu’il porte la poisse alors qu’il s’inscrit dans la lignée de Robert Wyatt, Brian Eno, ou plus proche de nous Graham Sutton (Bark Psychosis, Boymerang), voire Mark Hollis. À ce jour, aucun label n’aurait montré un intérêt significatif pour sortir cet album, alors Ian Crause, exilé en Bolivie depuis des années, a fini par le sortir via Bandcamp avant Noël. Ceux qui se souviennent de Disco Inferno – récemment réhabilité à travers la réédition de The 5 EPs (cf. magic n°157) – ou se sont étourdis des deux merveilleux singles de Ian Crause parus sous son nom à la fin du siècle dernier (Elemental, single du mois dans magic n°46, et Head Over Heels), retrouveront avec une joie difficilement contenue la malicieuse habileté du bonhomme à dévoyer la pop moderne dans les grandes largeurs, à ne laisser jamais dormir tranquille la matière et les sons. Car si ces chansons oscillent constamment entre l’avenir (Suns May Rise, And On And On It Goes, pas loin de New Order) et le classicisme (Foreign Land), elles n’en sont pas moins traversées par des tempêtes d’insatisfaction (A World Of Ghosts), comme une crise de nerfs en sourdine (Black Light) qui pourrait tenir à distance les néophytes et les réfractaires. Mais au-delà d’une tension dignement héritée de ses années post-punk, la beauté reste elle aussi toujours assourdissante dans la musique de Ian Crause, qui mériterait définitivement de sortir de son inexcusable carcan d’injustice.
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20 février 2014