Tune-Yards – Nikki Nack

Si la sortie d’un grand album n’invite pas immédiatement à se projeter dans le futur pour imaginer ce qui lui succédera, le charme des conjectures nous fait parfois entrevoir en lui mille et une directions possibles, nous laissant dans l’expectative jusqu’au prochain chapitre. On pouvait ainsi s’interroger sur la suite de la carrière de Merrill Garbus et de son projet Tune-Yards après avoir ébloui le monde en 2011 avec Whokill, second LP où florissait enfin sa pop solaire tissée de boucles grisantes. Tout semblait permis. Revenir à ses origines lo-fi ou se laisser porter par les rondeurs d’une production léchée ? Simplifier son vocabulaire pour tendre vers une sorte de R&B alternatif et racé ou accroître jusqu’à l’agacement son excentricité mélodique et vocale façon montagne russe ? Mais pourquoi choisir après tout ? Trois ans plus tard, Nikki Nack tranche ainsi la question en étant l’impossible compression de tout ce qu’aurait pu devenir Tune-Yards dans une infinité d’univers parallèles.

Un disque total, étourdissant, qui laisse briller chacune des facettes de Garbus les unes après les autres. Ici, c’est l’addition même qui ahurit. Tout ce qui rend Tune-Yards unique est démultiplié : les fragments de pop tordue se tamponnent à grande vitesse, les idées géniales sont mitraillées sans regarder à la dépense et les mélodies syncopées vont de l’hyperventilation à des grooves plus aériens, accentués par les basses imaginatives de Nate Brenner. En essayant de “trouver une nouvelle voie” comme elle en fait le serment en ouverture, Garbus repousse les limites de ses tics (cris guerriers et grand bazar façon cour de récréation) jusqu’à l’épuisement. Car même mis en boîte avec l’aide de noms mainstream comme Malay et John Hill (plus connus pour leurs travaux avec Frank Ocean ou Rihanna), Nikki Nack est un fourre-tout jouissif où se culbutent protest folk festif (Sink-O) et hip hop en bois (Manchild), berceuses hurlées (Rocking Chair) et gospels modernes (Real Thing). Certains n’auront pas les tripes d’aller au bout de ces quarante-cinq minutes monstrueuses. Ils ont une excuse : personne au monde n’a autant d’énergie que Merrill Garbus.




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