Il y a chez le groupe de Stefan Schneider et des frères Lippok une admirable concision. Contrairement aux compatriotes Kreidler, perdus en cours de route dans une trop grande complexité instrumentale, To Rococo Rot parvient avec mesure à garder depuis bientôt vingt ans sa musique libre et sans contraintes, proche d’une rêverie technologique spartiate, organique et entêtante. C’est donc sans surprise que l’on a retrouvé leurs enluminures invitées sur l’admirable Slow Summits (2013) de The Pastels et que l’on est plus que touché par ce huitième album à l’intitulé minimaliste, faisant même peut-être un clin d’œil à la grandiose bande-son instrumentale d’un documentaire sur et de Fugazi, Instrument (1999). De surcroît, y figure un invité de marque, Arto Lindsay, à l’œuvre sur trois titres chantés. Le premier d’entre eux, Many Descriptions, mêle les bruits de la ville à la mélancolie lunaire du chant de l’Américain, désaxant à merveille les instrumentaux des Germains. Ses autres interventions sous forme de touches de guitares forment elles aussi des teintes variées, mais c’est la formidable ligne de basse triste et propulsive (millésime New Order 1981) de Besides qui fait tout le boulot. On retrouve les quatre cordes à l’action sur Down In The Traffic, nostalgique et percussif comme si le souvenir de la new-wave négligeait le pathos pour n’en garder qu’un futurisme ahurissant. Retour d’Arto Lindsay sur le plus léger Classify, comme si un Robert Wyatt encore enfant donnait des ordres au milieu d’un songe. Plus technoïde, Pro Model ruine l’unité de l’ensemble, mais on navigue toujours entre le flux des machines et l’élément humain. En conclusion, Longest Escalator In The World résume à merveille cet entêtant dialogue entre soi-disant non-musiciens qui arrivent pourtant à créer une musique dont l’importance vitale est trop souvent négligée.
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14 juillet 2014