Batteur des redoutables et mésestimés Redd Kross à la grande époque de Phaseshifter (1993) et Show World (1997), Brian Reitzell aura assuré de manière bien étrange sa reconversion. Batteur de session pour nos Air nationaux à l’époque de leur meilleur album, 10 000Hz Legends (2001), il se consacrera ensuite à la mise en place des bandes originales des films de Sofia Coppola, héritant même d’une nomination aux BAFTA pour celle de Lost In Translation (2005) composée sous forme de petites lactances par Kevin Shields. Cette conquête d’Hollywood se poursuivra avec succès puisque Reitzell a par la suite fourni ses talents en tant que Music Supervisor ou de compositeur sur un paquet de films (outre la totalité de ceux de Sofia Coppola, Promised Land de Gus Van Zant, Beginners de Mike Mills ou Red Riding Hood de Catherine Hardwick) et même l’impeccable série Friday Night Lights. Mais si il fallait donner un indice de l’importance occulte de cet homme de l’ombre, ce serait sans doute le fait d’avoir sorti Mark Hollis d’un silence de plus de quatorze ans, en extorquant à celui-ci quelques minutes de musique pour une autre série de choix, Boss (2012).
C’est donc logiquement qu’on le retrouve en compagnie du compère Kevin Shields, neuf ans après lui avoir remis le pied à l’étrier, mais aussi de l’omniprésent Jim James (My Morning Jacket) et de son vieux complice Roger Manning Jr (Jellyfish). Auto Music tentative réussie de fragmentation et de recentrage de ses talents sous forme de morceaux souvent phénoménaux à la croisée des chemins entre electronica, ambient et shoegaze fonctionne comme une BO impressionniste. Voulu comme un disque narratif de conduite automobile par son auteur, il dépasse allègrement le stade de l’anecdote pour dévoiler des paysages sonores à la fois paisibles et frondeurs. Auto Music allie boîte à rythmes rudimentaire et ondes pseudo-shoegaze aux guitares sous influences, Ozu Choral enveloppe The Beach Boys ou le Requiem de Fauré sous les rayons tendres d’un soleil d’hiver, Ozu révèle des guitares anglaises encore plus affirmées et grandioses, alors que Gaudi rend explicitement hommage à la science du silence de Talk Talk avec sa boucle de batterie libre mais butée comme sortie du souvenir inquiet mais invincible de Laughing Stock (1991). Et si après cette introduction de choix, la suite paraît forcement un peu moins habitée, elle s’écoute néanmoins sans déplaisir, reprenant sans forcement les délayer des éléments de ces fondations en or.