Quatorze ans après son premier LP (Froids, 2000) et dix ans après un album jamais paru (Les Jours Sont Comptés, 2004), Matthieu Malon a décidé de renouer enfin avec sa langue maternelle, mettant Laudanum entre parenthèses. Pour son œuvre la plus autobiographique et mûrie à ce jour, l’Orléanais frappe un grand coup, à l’image du Dernier Uppercut qui ouvre Peut-Être Un Jour. En dix titres piochés dans sa discothèque abondante, ce quadragénaire bavard livre son “selectoramalon”. [Interview Franck Vergeade].
Arab Strap – One Day, After School
Matthieu Malon : Arab Strap fait la jonction entre mes deux projets discographiques. J’avais ainsi invité Aidan Moffat sur le premier LP de Laudanum (System:On, 2002), et pour mon nouveau disque en français, je voulais renouer avec une veine narrative dont One Day, After School est un exemple parfait. Arab Strap sait raconter des histoires sur la vie quotidienne de manière crue. Les paroles d’Aidan Moffat, particulièrement sur Philophobia où sa plume est la plus acérée, sont imagées, presque visuelles. C’est quelque chose que j’avais initié sur Les Jours Sont Comptés , un album maquetté en 2004 mais jamais enregistré avec Steve Albini comme je l’avais rêvé. Sur Peut-Être Un Jour, j’ai développé cette idée, notamment sur quelques titres aux textes explicites comme Au Revoir À Jamais ou Tu Es Mon Pote. Six mois avant notre collaboration, j’avais eu la chance de rencontrer Aidan Moffat à la sortie d’un concert parisien d’Arab Strap au Divan du Monde. Même si je ne suis plus en contact avec lui, je sais qu’il a fait un featuring sur le nouvel effort de Yann Tiersen.
DJ SHADOW – High Noon
Une des plus belles réussites de DJ Shadow, qui était encore dans sa période magique. Après Endtroducing… (1996) et ce maxi-là, son génie s’est évaporé, même s’il y a encore des choses intéressantes sur son deuxième LP, The Private Press (2002). Je suis toujours ce qu’il fait mais son dernier disque est presque difficile à écouter. DJ Shadow fait partie des artistes qui m’ont donné envie d’enregistrer System:On de Laudanum. C’était une époque où j’essayais également de sampler en me demandant comment il faisait pour sortir des choses pareilles. J’étais un assidu de la médiathèque, et je passais mes week-ends à sampler. Le succès critique de System:On, jusqu’au classement des albums de l’année 2002 de magic (ndlr. classé second, derrière Scorpio Rising de Death In Vegas), m’a fait extrêmement plaisir. Sur le suivant, Your Place And Time Will Be Mine (2006), j’ai eu tort de multiplier les featurings, il y avait trop de morceaux. D’où le recentrage opéré sur Decades (2009) même si je le considère comme inachevé. Aujourd’hui, je n’ai plus rien à dire sous le nom de Laudanum. J’avais envie de réécrire et rechanter en français.
The Weather Prophets – Born Inbetween
Judges, Juries & Horsemen est l’un de mes albums préférés, sans aucun doute dans mon top 20, voire dans mon top 10. Pete Astor est une énorme référence, l’une des plus jolies voix anglaises doublée d’un parolier exceptionnel. Je l’ai vu une fois à Paris à l’occasion d’un concert de The Wisdom Of Harry. On dit souvent qu’il ne faut pas rencontrer ses idoles et je peux malheureusement en témoigner : il s’est montré d’une telle froideur… Cela dit, son dernier disque paru sur Second Language – le label de Glen Johnson de Piano Magic –, Songbox (2011), est magnifique. On y trouve quelques-unes de ses plus belles chansons en solo. Je suis la carrière de Peter Astor depuis la compilation Un Automne 88 des Inrockuptibles où figurait un titre des Weather Prophets. Je me revois encore commander le disque à la FNAC d’Orléans.
Thee Oh Sees – Lupine Dominus
Je n’apprécie pas tout ce que fait John Dwyer, notamment son projet Coachwhips. Mais scéniquement, Thee Oh Sees compte parmi les groupes les plus impressionnants du moment. À quatre, ils retournent la salle d’une manière prodigieuse. Pendant l’écriture de Peut-Être Un Jour, j’ai beaucoup écouté Putrifiers II EP de Thee Oh Sees, qui, contrairement à son intitulé trompeur, n’est pas un EP et dont le premier volume n’existe pas. C’est leur essai le plus pop, lorgnant presque vers The Kinks.
Diabologum – De Tels Actes De Renoncement
L’œuvre charnière dans la carrière de Diabologum, et particulièrement cette face B qui préfigure l’album #3 (1996). C’est une chanson avec un message politique soutenu. Diabologum a été un groupe important dans mon parcours, il m’a donné envie d’écrire en français après des années à m’exprimer en anglais. En 1995, j’ai décidé de m’y mettre grâce aux autres artistes de Lithium : Dominique A, Mendelson, Jérôme Minière. J’étais aussi très friand d’Autour De Lucie, qui, comme moi, revient en ce moment.
The God Machine – It’s All Over
À l’instar de Judges, Juries & Horsemen des Weather Prophets, ce premier album de The God Machine figure dans mon panthéon personnel. En 1992, j’étais parti de chez mes parents pour étudier à la faculté de Tours. Avec mon pote, on passait nos journées à sécher les cours et écouter de la musique. Un jour, il rapporte cet album édité par Fiction, le label de The Cure. Scenes From The Second Storey fait la somme de tout ce que j’aime en mélangeant Pornography (1982) des Cure et Nevermind (1991) de Nirvana. Un disque fondateur dans ma trajectoire.
The Velvet Underground – What Goes On
Le LP le plus vieux de ma sélection. Le Velvet est l’une de mes formations fétiches. J’écoute autant l’album avec Nico que Loaded (1970), avec une affection particulière pour ce troisième effort qui est à la fois le plus complet et celui qui contient les meilleures chansons. J’adore la gouaille de Lou Reed sur What Goes On. Pendant mon adolescence à Orléans, il y avait un magasin où l’on pouvait s’abonner pour emprunter des vinyles. C’était l’ancêtre de Spotify ! Je lui dois beaucoup de ma culture musicale : Lloyd Cole, The Smiths, Talk Talk et donc le Velvet.
Daniel Darc – Élégie #2
Un des meilleurs morceaux de Daniel Darc sur l’album du come-back incroyable. Plus personne ne l’attendait… C’est juste parfait. Sur Les Jours Sont Comptés, j’avais repris un titre de Taxi Girl, Les Jours Sont Bien Trop Longs que j’ai mis en face B du single digital enregistré après sa mort en février 2013. Ce jour-là, c’est comme si j’avais perdu un membre de ma famille. J’ai ressenti le besoin d’écrire cette chanson, 28.2.2013, à partir d’une maquette qui ne correspondait pas à la couleur de l’album que j’étais en train de réaliser. C’est un titre que j’interprète souvent en concert.
Talk talk – Inheritance
Je ne connais bizarrement pas trop les enregistrements antérieurs à Spirit Of Eden. Ce disque est un OVNI et l’un de ceux que j’ai le plus écoutés. La voix de Mark Hollis me transperce à chaque fois. À l’occasion, j’aimerais bien jeter une oreille sur une version remasterisée car il y a beaucoup de contrastes sonores. C’est tellement beau. Je ne pense pas que Spirit Of Eden ait pu m’influencer dans mon parcours musical, mais j’y reviens sans cesse. Finalement, on réécoute toujours les mêmes disques.
Wire – Lowdown
Que peut-on dire sur Pink Flag ? Comme pour le Velvet, combien de groupes se sont formés en découvrant Pink Flag de Wire. J’avais emprunté le 33 tours à la médiathèque d’Orléans et j’ai toujours la cassette enregistrée à partir du vinyle chez moi. J’ai au moins trois ou quatre versions différentes de Pink Flag, dont le coffret Wire: 1977-1979 (2006). Ce qui m’intéresse chez Wire, c’est qu’ils n’officiaient pas seulement dans le punk. J’ai d’ailleurs hésité à inclure dans ma sélection un titre de 154 (1979), qui a influencé tout un pan de la cold-wave.