De retour d’un exil berlinois, le producteur électronique Erwan Castex avait reçu des louanges d’un peu partout pour son deuxième album, Tohu Bohu (2012). Des clés, des étoiles, des récompenses à gogo, le tout conforté par des prestations live inspirées. Depuis, une collaboration sur l’album Trouble Will Find Me (2013) de The National marqua le début d’allers-retours créatifs avec le guitariste Bryce Dessner, ici présent sur trois morceaux. Et force est de constater que Creatures est une nouvelle étape réussie dans la carrière immanquablement ascensionnelle de Rone.
Ses ballades où l’ambient éthérée s’envole en volutes trance prennent ici une autre dimension, plus ample encore. Certaines s’offrent même le luxe d’être incarnées par des voix familières. Mortelle est interprétée par Étienne Daho, et c’est sans doute la première excellente surprise de cet album, l’atmosphère en apesanteur convenant idéalement à la voix de velours du parrain de la pop française. Plus tard, le climat au départ oppressant de Quitter La Ville s’ouvre à la fragilité du timbre de Frànçois Marry, ici sans ses Atlas Mountains.
Quant à la Canadienne Sea Oleena, elle pose elle aussi une touche très sensible et aérienne à Sir Orfeo, proche de Cocteau Twins ou Julee Cruise. Les Creatures de Rone ne sont pourtant pas que ces voix, elles sont cette âme mystérieuse qui peuple les morceaux d’un LP palpitant, tour à tour étrange et lumineux. Des éclats de synthétiseurs stridents montés sur un rythme lancinant (Freaks) à une percée de soleil dans les nuages (Vif), Rone compose une œuvre qu’on a hâte de découvrir sur scène avec une puissance sonore au moins équivalente à la force de ses compositions.