The Mountain Goats – Beat The Champ

(Merge Records/Differ-Ant)

En un peu plus de vingt ans d’un parcours remarquable avec The Mountain Goats, John Darnielle a développé une écriture largement tournée vers la fiction sur des albums souvent thématiques. Un goût pour les histoires qui a trouvé l’an passé un prolongement logique avec un premier roman très remarqué, Wolf In White Van (2014), et qui irrigue aujourd’hui ce quinzième album consacré… au catch (de façon souvent littérale et parfois plus métaphorique).

Ne pas s’attendre toutefois à des morceaux sous anabolisants. La vaste palette des styles, rythmes, inflexions sonores et vocales indique plutôt l’infinie finesse d’une écriture qui conduit les chansons où bon leur semble. Les mots en guise de flèches, sans jamais être verbeux. Beat The Champ impressionne non seulement par sa beauté puissante mais aussi par son hétérogénéité : chanson délicate arrangée avec piano et vents (Southwestern Territory, à couper le souffle), folk rock au carré (Animal Mask, The Legend Of Chavo Guerrero), pop en cuivres (Foreign Object), mauvaises graines (Werewolf Gimmick) ou morceaux sur lesquels souffle un vent de liberté venu du jazz (Luna, Fire Editorial).

Mais les frontières sont poreuses et John Darnielle n’est pas un faiseur. Non seulement il incarne ses chansons avec une force et une vivacité rares (densité de cette voix parfois étranglée), mais il efface aussi les genres avec une facilité déconcertante, notamment sur deux des sommets du disque. Les tensions de Stabbed To Death Outside San Juan, à mi-chemin entre musique contemporaine et blues lugubre ; et Heel Turn 2, où la réverbération sur le piano et la guitare passe de l’arrière-plan d’un arrangement génial au premier plan d’une dérive instrumentale. Un grand disque de musique américaine.

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