(Matador/Wagram)
Les raisons demeurent pour partie contradictoires. Écartelé entre ses tendances à l’hyperactivité artistique – une longue incursion du côté du cinéma avec God Help The Girl (2014) – et une succession de très grosses fatigues, Stuart Murdoch avait fini par mettre Belle And Sebastian en sommeil depuis près de cinq années.
Une pause d’une longueur assez inhabituelle pour un groupe souvent prolixe et qui reste l’un des seuls à être parvenu, au cours des deux dernières décennies, à façonner progressivement une identité musicale clairement identifiable à partir d’éléments pourtant parfaitement référencés (la twee pop et la Motown pour aller à l’essentiel). Un univers devenu familier que l’on commence ici par redécouvrir avec un plaisir intact et un appétit aiguisé par l’attente.
Comme pour mieux rassurer l’auditeur et le convaincre que cette parenthèse n’a rien altéré de leur sensibilité musicale à fleur de notes, les Écossais ponctuent d’emblée leur retour par une poignée de morceaux (Nobody’s Empire, Allie, The Cat With The Cream) qui possèdent tous le charme feutré et délicat des anciens fleurons de leur répertoire : de jolies mélodies sucrées, une pincée de cordes pour les enrober et quelques chœurs harmonieux pour faire bonne mesure. Du classique donc, qui permet de se préserver provisoirement de la surprise tout autant que de la déception.
Car cette entrée en matière rassurante apparaît bien vite comme un leurre. Produit par Ben Allen, ancien collaborateur de Gnarls Barkley, ce neuvième LP dérive tout à coup du côté des dancefloors. Portés par le puissant martellement d’une rythmique discoïde, The Party Line puis Enter Sylvia Plath apparaissent comme autant de détours décomplexés et dépaysants sur des terres où Murdoch et sa bande entament un dialogue d’égal à égal avec ABBA et Pharrell Williams.
Alors que les percussions tribales de Perfect Couples et les résonnances caribéennes de Play For Today parachèvent cette étonnante diversification de la palette rythmique, Ever Had A Little Faith? et Today (This Army’s For Peace) amorcent tranquillement un retour au calme. De cette juxtaposition tourneboulante, l’auditeur ressort rempli d’impressions contrastées.
Emporté par son désir légitime de surprendre, Belle And Sebastian esquisse ici des belles propositions que l’on ne demande qu’à suivre. Pour ce qui concerne la maîtrise du mélange des genres, ce n’est pas avec cet essai en forme de patchwork hétéroclite que Murdoch aura atteint son but.