Algiers – Algiers

(Matador/Wagram)

Monstre de cynisme présupposé, votre chroniqueur préféré n’a que trop rarement l’occasion de se prendre de véritables beignes. La vision du clip de Blood en fut pourtant une belle.

Dans cette vidéo d’Algiers, les images d’archives mêlant héros du XXe siècle triés sur le volet (MC5, Pasolini, Gainsbourg, PiL, Afrika Bambaataa, Public Enemy, Michel Foucault, Fela, Albert Camus, Fugazi, The Specials, Sun Ra, Lydia Lunch, Nick Cave, Blixa Bargeld, Eric B & Rakim…) et moments charnières de la lutte pour les droits civiques (ou autres insurrections bienvenues) soutiennent judicieusement un morceau de gospel déviant, strié de scansions bruitistes.

Du blues blanc avec une voix noire (Franklin James Fisher) dont les précédents sont rares. Au-delà d’une parenté de cœur avec celui de Teenage Riot de Sonic Youth, ledit scopitone créa beaucoup d’excitation. Un enthousiasme aujourd’hui un brin miné par la découverte de ce premier album, fascinant bien qu’inégal.

Fascinant parce qu’il met mal à l’aise d’emblée avec ce mélange musical qui a rarement été autorisé, tenté, ou surtout réussi et pertinent – même si on n’a pas oublié le séisme One Inch Punch en 1996, un groupe mixte qui avait su fondre Guided By Voices et hip hop.

Mais trêve de parallèle oublié, c’est bien de gospel bruitiste et habité – et non de hip hop – dont il est question ici, exception faite de l’extrait Irony Utility Pretext, qui revigore un instant l’axe du rythme robotique sacré de Trans-Europe Express (1977) de Kraftwerk.

L’album hésite souvent entre une pénombre lente et insidieuse (Remains, Old Girl) et une agitation perforante mais pas toujours maîtrisée (And When You Fall, But She Was Not Flying). Il n’en demeure pas moins un constat dérangeant, anxiogène et passionné – à l’image du monde.

A découvrir aussi