(Matador/Wagram)
C’est toute une armée de superlatifs qui assiège le cerveau au moment d’écrire quelques mots sur le nouvel album de Yo La Tengo. Mais les utiliser serait en complet décalage avec la nature de Stuff Like That There, projet folk sur le fond comme sur la forme, qui brille par sa simplicité et son humilité et s’inscrit harmonieusement dans la discographie d’un groupe qui a toujours été fidèle à ses intuitions.
Celle du moment fait écho au classique Fakebook (1990), qui déjà réunissait des reprises et des titres originaux. Petite coquetterie autorisée par trois décennies d’activité, Yo La Tengo reprend aussi aujourd’hui certaines de ses propres chansons. Sortie des limbes d’un rock charbonneux, Deeper Into Movies (extraite de l’immense I Can Hear The Heart Beating As One, 1997) en perd ainsi sa nervosité pour épouser les contours sublimes d’un folk où tout va par deux, les voix comme les guitares.
Car c’est une formation sensiblement remodelée qui joue cette merveilleuse collection de quatorze morceaux avec la réintégration d’un ancien compagnon de route, Dave Schramm, qui tient la guitare électrique. Ira Kaplan est à la guitare acoustique, Georgia Hubley joue sur une batterie minimaliste et James McNew est à la contrebasse.
Une orchestration chaleureuse que la bande sait adapter pour un résultat parfois nonchalant, parfois plus tendu, mais qui surtout assure une grande cohérence au matériau pourtant composite de l’album, où Hank Williams (I’m So Lonesome I Could Cry), The Cure (Friday I’m In Love) et The Cosmic Rays With Le Sun Ra And His Arkestra (Somebody’s In Love) vivent en bon voisinage.
Deux nouveaux titres séduisent par leur indolence romantique, mais c’est Automatic Doom qui accroche le plus l’oreille et le cœur, une reprise de Special Pillow, groupe d’Hoboken auquel James McNew participa un temps dans les années 90. Voilà peut-être la clé de Stuff Like That There : entretenir une mémoire vivante, guidée par la fidélité et l’amitié.