Sur la lancée de leur union vocale sur Négatif, le deuxième album de Benjamin Biolay, Chiara Mastroianni et son mari ont fondé le groupe Home, au retour d’un voyage aux Pays-Bas. De forte inspiration folk et country, le disque du couple le plus en vue de sa génération reflète une harmonie, des influences et un parfum qui siéent idéalement à l’approche de l’été. Ou comment un bonheur maison risque-t-il de devenir la bande-son de tous les garçons et les filles de leur âge.
ARTICLE Franck Vergeade
PARUTION magic n°81Simplement, Chiara Mastroianni et Benjamin Biolay reçoivent à la maison. At home, serait-t-on tenté d’écrire, en référence au pseudonyme que le couple s’est choisi pour enregistrer son premier album éponyme. Lequel peut se lire comme le prolongement de quelques chansons à deux voix de Négatif, le deuxième Lp de l’auteur-compositeur aux initiales B.B. Entre tubes pop (La Plage, Dance Rock’N’Roll) et ballades acoustiques (Quelque Part On M’Attend, La Ballade Du Mois De Juin), le disque s’écoute autant dans le salon qu’en voiture, où les deux trentenaires ont pris place, le temps d’une escapade amoureuse à La Haye. Sur la route, l’actrice et le chanteur ont vu défiler vingt-quatre images par seconde sur l’air du folk intemporel de Kings Of Convenience ou du songwriting admirable de Ron Sexsmith. Dans le rôle de l’interprète principal, Chiara Mastroianni fait mouche avec sa voix suave, à peine troublée par l’usage occasionnel de l’idiome anglais (A House Is Not A Home, qu’elle cosigne magnifiquement). Tapi dans l’ombre et débarrassé de son attirail orchestral, l’homme à la mèche tombante tisse dans l’acoustique boisée des motifs d’une sobriété splendide. Posant dos-à-dos en portrait noir et blanc signé Inez Van Lamsweerde, Chiara et Benjamin renvoient au micro de l’intervieweur la même complicité désarmante qu’à l’écoute de leur aubade imparable.
Comment l’album éponyme de Home est-il né ?
Benjamin Biolay : Négatif nous avait mis le pied à l’étrier, mais c’était frustrant de ne pas aller plus loin, en particulier dans le versant folk.
Chiara Mastroianni : En dehors du duo Je Ne T’Ai Pas Aimé, ma présence sur Négatif était finalement assez fantomatique. Mais ce n’était pas une idée de chanter ensemble, ça s’est fait de manière empirique. D’ailleurs, si on nous en avait parlé à l’époque comme d’une idée, on ne l’aurait jamais fait.
BB : Pour Home, on s’est fait en trip en voiture, à l’occasion d’un voyage à La Haye. Comme Chiara ne conduit pas vite, on a mis douze heures cinquante. (Sourire.)
CM : Le problème, c’est que tu flippes à mes côtés. Benjamin a l’attitude typique de la personne qui n’a pas son permis.
BB : Le résultat est là, tu ne conduis pas vite, donc il fallait de la musique. À l’écoute des albums de Kings Of Convenience (Quiet Is The New Loud), Nada Surf (Let Go), Bonnie “Prince” Billy (Ease Down Road), et de Ron Sexsmith (Whereabouts), on a eu envie de faire notre disque pour la bagnole.
CM : Si tu avais ton permis, on n’aurait peut-être jamais fondé Home.
BB : C’est même sûr. D’ailleurs, je ne t’aurai jamais épousée. (Sourire.)
Quelles sont les premières chansons qui ont vu le jour, à votre retour de La Haye ?
Là-bas, nous séjournions dans un palace très fin de siècle, type XIXe, face à une plage superbe, mais pourrie par un centre commercial et des parasols Coca-Cola. En rentrant de ce week-end prolongé, j’ai donc écrit La Plage, La Ballade Du Mois De Juin, Un Problème et Douce Comme L’Eau.
CM : Ainsi que La Chanson De La Pluie et À La Longue, qui figurent en bonus de l’édition SACD.
À l’écoute de La Plage, avez-vous immédiatement eu le sentiment de tenir “un tube” ?
On est tellement flippé tous les deux qu’on a du mal à se dire ce genre de choses. C’est une chanson qu’on aimait vachement, mais les deux fois qu’on l’a testée sur scène, l’accueil n’a pas été des plus chaleureux. Faut reconnaître que l’on n’était pas encore tout à fait prêt pour la jouer.
BB : Quand on a enregistré les voix avec la guitare baryton, il y avait un pur son en studio. Pareil pour La Ballade, qu’on a fait les 15 et 16 juin 200…3, au studio Gang, à Paris. D’où cette ambiance estivale qui s’entend.
Justement, vous n’avez pas enregistré au studio bruxellois ICP, où l’on sait pourtant, Benjamin, que tu as tes habitudes.
Le studio n’était pas libre. Il y avait Calogero… Tout le monde veut désormais travailler avec Erwin (ndlr. Autrique), si bien que c’est devenu la croix et la bannière pour l’avoir !
CM : Pour les premières sessions, c’était évident de les faire à Paris, parce que je venais tout juste d’avoir Anna, notre fille. Et puis, cela s’est vraiment improvisé du jour au lendemain. On ne pensait pas que ça irait si vite. Pourquoi tu me regardes comme ça ? J’ai dit une connerie !? (Sourire.)
BB : Non, je te laisse finir ta phrase.
CM : Bah, c’est tout ce que je voulais dire.
Pressions énormes
Dès le début, vous êtes donc parti sur un format d’album ?
BB : Tu sais, je fonctionne toujours sur ce format-là. Après la première session d’enregistrement, on avait déjà huit chansons. Même si on ne les a pas toutes conservées, on avait déjà l’idée de réaliser un album. J’adore acheter des singles, mais je n’aime pas en faire.
CM : Ce qui a aussi fait évoluer le disque, c’est lorsqu’en rencontrant Dominique Blanc-Francard pour le mixage, on a pu envisager de le faire en 5.1.
Qu’est-ce qui vous plaisait dans le Super Audio CD (SACD) ?
Les images qui naissaient de la musique nous ont donné l’envie d’avoir le même son qu’au cinéma. Or, Dominique pouvait précisément nous l’offrir.
BB : Quand on a su qu’on n’allait pas à ICP, on s’est dit que c’était un mal pour un bien. Parce que j’aime beaucoup Dominique, et que j’avais envie de travailler avec lui depuis longtemps. En mixant le premier titre, je lui ai demandé s’il était possible de le remixer aussi en 5.1. Jusque-là, je n’en avais pas encore trop parlé, parce que je craignais que ce soit une usine à gaz. On s’est rendu compte que le résultat sonnait mieux que le mixage stéréo original. Les espaces étaient mieux maîtrisés, il y avait une plus grande profondeur, une meilleure intensité, un spectre plus large. C’est exactement comme l’effet d’un casque, mais dans l’espace d’une pièce. Tous les éléments psycho-acoustiques sont mieux mis en valeur. En tout point, ça a donc été une expérience passionnante. Du coup, le disque en 5.1 est plus captivant car il y a des sons partout. Par exemple, La Plage en 5.1 est un kiff absolu. Même un titre comme Folle De Toi, une fois que tu entends tous les clavecins, est invraisemblable.
CM : Mais les gens sauront-ils que c’est un format lisible sur n’importe quel lecteur Cd ?Aviez-vous à l’esprit des modèles de couples chantant ?
BB : Pas du tout.
En revanche, vous aviez la volonté initiale de vous retrancher derrière un pseudonyme ?
CM : C’est moins un pseudo qu’un nom de groupe fait pour s’amuser. On avait envie de faire oublier qu’il s’agit d’un couple qui chante. Il y avait aussi du deuxième degré dans la volonté de monter un groupe, alors qu’on a passé l’âge. C’est sûrement notre côté infantile. On trouve cela marrant, même s’il est parfois difficile de le faire rentrer dans la tête des gens.
BB : À chaque fois qu’on tourne un œil, on se retrouve avec nos patronymes en fluo sur la pochette. Sur certains projets, on avait même l’impression que Home était devenu le titre de l’album d’un duo…
CM : Pour dire ce qui est, Virgin a bien du mal à intégrer que Home est un groupe. On nous a même dit que mettre le logo et non une photo sur la pochette de l’album était un suicide commercial.
BB : J’ai eu des pressions énormes, mais mon répondeur m’a bien servi. (Sourire.)
Qui a trouvé le nom du groupe ?
Chiara.
CM : C’est moi qu’il faut taper si ça ne va pas. D’ailleurs, il y a plein de gens qui se moquent de nous, en disant que ça fait “hum”… (Sourire.) On souhaitait un nom générique.
BB : Chiara imaginait déjà les tee-shirts à l’effigie de Home. (Sourire.)
CM : Mais non, je voulais simplement un nom facile à dire, et intelligible dans le maximum de langues. Et puis, surtout, on l’avait fait à la maison. Et comme maison, ça renvoie au catalogue Castorama…
La troisième plage du disque, A House Is Not A Home, fait-elle ouvertement référence à Burt Bacharach ?
BB : Non, c’est le titre d’un livre de Bruce Weber, dont je voyais la tranche tous les matins dans notre bibliothèque. Ma mélodie était tellement pop que j’étais dans le merde pour écrire un texte en français. On a donc décidé de le faire timidement en anglais.
CM : Oh oui, très timidement. Quand on l’a coécrit, il y avait un côté cadavre exquis assez drôle. ça aurait été chouette d’utiliser la photo avec les chiens de Bruce Weber pour la pochette de l’album.
BB : ça définissait bien l’esprit qu’on recherchait.
Vous avez également coécrit deux autres morceaux, Quelque Part On M’Attend et L’Arizona. Était-ce un travail à quatre mains ?
Sur Quelque Part On M’Attend, Chiara était partie sur un texte. Mais comme c’est quelqu’un qui, comme moi, doute beaucoup, il y avait cinquante pages de textes pour une chanson de trois minutes…
CM : Mais c’était sur une autre mélodie.
BB : Au moment où j’ai trouvé la mélodie, alors que Chiara dormait, je n’ai eu qu’à taper dans ses rushes. C’était un vrai plaisir. Pour L’Arizona, c’était davantage un ping-pong. Son idée de texte se vautrait totalement, mais en revanche, elle avait déjà planté le décor et écrit le scénario. Du coup, moi qui ramais comme un chien, tout est devenu assez limpide.
N’y avait-il pas un risque sur certains titres à vouloir les garder pour ton troisième album ?
CM : Pour ceux-là, on s’est arrangé en termes d’argent. Ou plutôt de ticket-restaurant. (Sourire.)
BB : D’ailleurs, faut qu’on en reparle.
CM : Je lui ai cuisiné ses pâtes préférées, accompagnées d’un bon vin. Et le tour était joué.
BB : Je n’étais pas dans la logique de mon prochain disque. Tu sais, quand on a commencé en juin 2003, Négatif n’était sorti que depuis deux mois. Pourquoi ça te fait marrer ?
CM : Non, c’est le titre de Négatif que j’ai toujours du mal à… digérer.
À imprimer ou à accepter ?
Pas à imprimer, parce qu’il est gravé dans la chair. Mais à accepter tellement il est noir.
BB : Surtout que l’album ne s’étant pas très bien vendu, ça devient…
CM : Prémonitoire.
BB : On s’en fout. C’est un disque qui vieillira bien. Mais je dois avouer que le tracklisting n’est pas terrible.
CM : Tu devrais le rééditer avec le bon ordre.
BB : Non, parce que je remixerais tout.
CM : Peut-être que j’écris cinquante pages de textes pour trouver trois mots…
BB : C’était un compliment…
CM : Mais toi, tu fais vingt volumes de playlists avant de choisir la mauvaise.
BB : Négatif portait très bien son nom, avec toutes les galères que j’ai connues pour le finir.
CM : J’adore ce disque, mais il y a eu tellement de choses qui se sont passées ensuite, ne serait-ce que la tournée qui n’était pas piquée des hannetons. (Sourire.)
BB : Virgin m’a lâché et je me suis retrouvé chez mon tourneur à la veille de la première date, avec un trou de soixante mille euros !
CM : Et cette somme, c’est pas parce qu’on voulait dormir dans des palaces. Le pire souvenir, c’est probablement le début avorté du concert à l’Olympia. (ndlr. le 29 octobre 2003).
La tournée ayant eu lieu parallèlement à l’enregistrement de Home, diriez-vous aujourd’hui qu’elle vous a servi ou, au contraire, desservi ?
BB : Elle nous a aidés parce que c’était le même line-up. On avait donc l’habitude de jouer ensemble. Dès qu’on entrait en studio, ça tournait aussitôt.
CM : C’est pour cela que le groupe, ce n’est pas seulement nous deux.
BB : On est vraiment cinq (ndlr. Éric Sauviat à la guitare, Laurent Vernerey à la basse et Denis Benarrosh à la batterie).Une tournée de Home est-elle donc envisageable ?
Ce n’est pas à l’ordre du jour, mais ça ne paraît pas non plus impossible. Il faut juste que ce soit hyper bien.
CM : Moi, j’étais aussi très angoissée parce que je n’avais jamais fait de scène auparavant. Même si j’ai parfois réussi à en faire abstraction, j’ai eu peur tout le temps. Tu sais, avant de rencontrer Benjamin, je n’avais jamais imaginé chanter un jour, dans ma vie. Je viens d’un milieu, le cinéma, où l’on travaille en équipe réduite, sans regard extérieur et où tu répètes jusqu’à ce que la prise soit bonne. La chanson, au contraire, c’est le grand plongeon.
Chance inouïe
Quel est le rapport vie privée/chanson publique sur un titre comme Folle De Toi, qui peut faire écho à Hors La Vie ?
C’était marrant. On était dans le décor d’un parloir, avec une fille qui vient visiter son mec prisonnier.
CM : À un moment, on avait même imaginé reproduire le son quand tu parles à quelqu’un à travers une vitre, mais c’était beaucoup trop compliqué.
Venons-en à Dance Rock’N’Roll, une chanson en forme de clins d’œil à Phil Spector pour l’introduction à la Be My Baby et aux Beach Boys pour les chœurs de fin.
BB : C’est toujours un bon moment, la fin d’un disque. Du moins quand tu en es à peu près content. Et puis, j’ai toujours adoré le Buddy Holly de Weezer, qui figure sur le plus grand album de pop depuis… Avec Hubert Mounier, ce disque est pour nous un manifeste de pop moderne. De plus, j’ai toujours été fan des Cars, j’étais donc content de retrouver Ric Ocasek à la production.
CM : J’adore les Cars, aussi.
BB : J’appelle cela les fougères, les groupes comme Weezer qui jouent avec les basses sur les genoux, qui ont l’air tellement indolents, mais qui composent de pures pop-songs. Enfin, bref, j’ai joué le truc à Chiara, et c’est passé comme une lettre à la poste. J’avais une vision bien définie du morceau, avec un larsen permanent à la Weezer et ces huit pistes de chœurs. Généralement, je ne me sers jamais de ma voix de falsetto. D’ailleurs, à chaque fois que j’enregistrais une nouvelle piste de voix, j’avais l’impression qu’ils se foutaient ouvertement de ma gueule, de l’autre côté de la vitre du studio.
CM : Au final, c’est un de mes titres préférés. D’ailleurs, on y avait songé comme premier single.
Parallèlement à la sortie de Home, paraîtra le 29 juin ta première bande originale de film, Clara Et Moi, réalisé par Arnaud Viard.
BB : En dehors d’une version alternative Des Lendemains Qui Chantent, il n’y a pratiquement que des morceaux originaux, dont un super single pop, This Word, interprété par une chanteuse danoise qui s’appelle Louise Alenius. Ce qui est bien, c’est que j’ai pu voir le film fini avant de commencer à composer. Je n’ai donc pas eu à partir d’un scénario, comme c’est souvent le cas. Tout est allé assez vite, même si ce n’est pas le même langage qu’un album. C’est plus simpliste, mais très agréable. Tu peux essayer des trucs en fonction des images.
À ce propos, aviez-vous des images de films en tête au moment de la genèse de Home ?
Oui, plein. Il y a vraiment un pont entre l’image et le son, qui m’a vite paru évident.
CM : Des atmosphères de films comme Badlands de Terence Malick. BB : On est vachement complémentaire. Car Chiara pense au son dès qu’elle voit des images, et moi, c’est l’inverse. Parfois, je parlais d’une guitare à la Lynch, alors que Badalamenti ne fait que des nappes de synthé. (Sourire.)
Faites-vous attention aux critiques ?
Avec Home, on va s’en prendre plein la gueule.
BB : En ce moment, je me fais tellement agressé verbalement que ça finit par me blinder.
CM : Pour ce projet-là, on s’en fout.
BB : En dehors des musiciens, personne n’a pu rentrer dans notre bulle. Si j’avais de gros doutes sur le disque, je chierais dans mon froc, mais ce n’est pas le cas.
Depuis la sortie de Négatif, tu sembles avoir chèrement payé ton stakhanovisme par ta présence sur les albums de Valérie Lagrange, Dorval, Juliette Gréco et dernièrement Elsa…
Oui, a priori, j’ai payé. (Sourire.)
CM : Mais ça, c’est la France. Le problème, c’est que s’il ne travaille pas, il s’emmerde. Il est toujours dans une dynamique de travail, même s’il n’a pas une guitare entre les mains du matin au soir…
BB : J’ai aussi une vie à côté, non !? (Sourire.)
CM : Aussi… Mais c’est vrai que ton cerveau n’est pas souvent au repos.
Plus que t’être dispersé artistiquement, n’y as-tu pas laissé trop de forces physiques et mentales ?
BB : C’est une vraie question. Surtout quand le renvoi d’ascenseur n’est pas immédiat. (Sourire.)
CM : Il n’y a pas d’usure quand il n’y a pas de déception. Ça devient comme une gymnastique. Le travail appelle alors le travail.
BB : Moi, j’ai toujours fait les choses pour m’éclater. Le jour où elles finissent par te faire pleurer, tu le paies forcément au prix fort. Cela dit, j’ai la chance inouïe d’avoir toutes ces chansons publiées.D’ailleurs, j’imagine qu’il y en a qui ne sont pas encore sorties ?
Oui, notamment un vieux titre pour Françoise (ndlr. Hardy). Autrement, je réalise le nouvel album d’Hubert, qui a composé les plus belles chansons de sa vie. Donc c’est carrément le paradis. Mes potes comprennent enfin pourquoi je leur disais de soutenir Hubert depuis tant d’années. Aujourd’hui, il me fait penser à Elvis Costello. En réalité, je lui avais demandé d’écrire l’album de Coralie (ndlr. Clément), prétextant que je n’en avais pas le temps. Et lorsqu’il m’a présenté ses cinq premiers morceaux, je lui ai dit de les garder. Du coup, il a fait preuve d’une légèreté incroyable, en ne pensant pas à lui à la première personne. Ça va être un disque merveilleux.
Tu t’es déjà attelé à l’écriture de ton troisième Lp ?
Un petit peu. J’ai déjà l’idée du disque. Il sera plus rock, plus cohérent, plus personnel. Je vais privilégier les mélodies comme jamais. Pour l’instant, d’après le matériau que j’ai, c’est mieux que Négatif. (Silence.) Enfin, je pense. (Sourire.)
CM : J’attendais ! J’aurais dû te minuter. (Sourire.)
Et toi, Chiara, tu as joué dans des films à sortir prochainement ?
Non. Depuis le film de Valeria Bruni-Tedeschi (ndlr. Il Est Plus Facile Pour Un Chameau…), j’ai eu une autre fille.
BB : Chiara a vraiment fait le disque, c’est pas comme certaines… Elle était là tout le temps. On était vraiment en symbiose tous les deux. Mais s’il y avait un charley qui ne lui plaisait pas, elle s’empressait de le dire. Il n’y a pas eu ce côté Pygmalion habituel. Elle a vraiment fait de Home un groupe, en allant chercher l’essentiel des qualités artistiques de ses partenaires. J’insiste : elle a été présente de la première à la dernière seconde de l’album.
Comment juges-tu aujourd’hui sa voix ?
J’ai découvert sa façon de chanter. Parce que sur Négatif, j’avais fait en sorte que ce ne soit pas vraiment des prises de voix.
CM : C’était simplement des chœurs. J’étais là comme un instrument additionnel, que tu n’étais pas forcément sûr de garder.
BB : Sur Quelque Part On M’Attend ou La Ballade Du Mois De Juin, elle m’a bluffé. Et puis, au niveau de la production, elle avait autant son mot à dire que moi. Certes, j’ai réalisé d’un point de vue formel, mais en amont, à la maison, on avait vraiment réfléchi ensemble. On était vachement sérieux et appliqué, mais on l’a fait en se marrant. De toute façon, si tu ne te marres pas, tu ne peux pas aller jusqu’au bout.
Sur Mobil-Home, on reconnaît à peine ta voix.
J’étais tellement patraque que je n’avais pas le choix. D’autant que j’avais abusé de la vodka, la veille de l’enregistrement. J’étais donc prêt pour faire mon Johnny Cash. (Sourire.) Évidemment, je voulais refaire la prise, mais Chiara a insisté pour conserver celle-ci.
CM : J’aime quand les accidents tournent bien. Parce qu’on était complètement paniqué quand tu étais malade. Finalement, tout est bon pour faire le bouillon. (Sourire.)
BB : Du coup, j’ai chanté d’une manière plus libre que d’habitude.
CM : Je crois aussi que le fait d’être dans un groupe t’a permis d’écrire plus facilement. Par exemple, ça m’amuse moins d’écouter les chansons où nous ne sommes pas tous les deux. C’est difficile de n’entendre que sa propre voix. C’est assez sclérosant. On dirait que Home t’a libéré de quelque chose.
BB : ça vient aussi sûrement de la manière dont on a fait le disque. Quand on voit aujourd’hui la lourdeur du processus, maintenant qu’on a décidé de le sortir… Il faut envoyer quinze faxes pour valider un sticker. Heureusement qu’on n’a pas signé de contrat préalablement avec Virgin. Qu’on le veuille ou non, on se serait mis à penser à la logique industrielle. On a fait ce disque pour la bagnole, avec nos potes. À l’avenir, je vais essayer de me mentir à moi-même, en me disant qu’il ne s’agit pas de mon propre album. Parce que j’ai découvert le plaisir de bosser de manière totalement innocente.
CM : Tu avais déjà connu cela, en travaillant notamment sur les disques de Keren Ann ? Il y a des chansons que tu as signées sur La Disparition qui en disent plus long sur toi que certains titres de Home.
BB : C’est vrai que La Disparition, c’était pratiquement un album solo pour moi.
CM : Quand ça devient conceptuel, c’est plus facile que de l’incarner physiquement. Je pense que si on essayait d’écrire un film, il faudrait penser à d’autres gens qu’à soi-même. Parce que ce n’est pas assez inspirant.
L’album de Home appelle-t-il une suite ?
BB : Je ne pense pas qu’on en reste là. Mais on n’a aucune ambition commerciale.
CM : S’il y a un deuxième album, peut-être partirons-nous vers une autre direction musicale.
BB : Faut vraiment que ce disque ne nous abîme d’aucune manière. Parce que tous les groupes se séparent. (Sourire.)
CM : Mais on ne s’est pas encore séparé pour assurer la sortie de l’album.
Quelle image aviez-vous l’un de l’autre, avant de vous rencontrer ?
On ne connaissait pas vraiment notre travail respectif. Je me disais : soit il est très timide, soit il est…
BB : Super orgueilleux. (Sourire.)
CM : Étant également timide, je sais que dans certaines circonstances, la froideur peut passer pour de la prétention. C’est pour cette raison que je ne l’ai pas tout de suite sanctionné. Je t’ai laissé un joker. (Sourire.) Au début, je me suis dit que tu étais très timide, mais en fait, t’es super prétentieux. (Rires.)
Pour finir, comment résumeriez-vous l’autre en un mot ?
Tourmenté.
BB : Un boulet. Non, je plaisante. C’est impossible de la résumer en un seul mot.