Nous vous parlions cet été de Shitty Hits, le premier album pop et insolemment éclectique de Katie von Schleicher. La jeune artiste new-yorkaise sera en concert lors de la soirée Magic #5 le 15 novembre à l’Olympic Café (Paris). Voici le récrit que nous faisons de notre rencontre avec elle et sa musique dans le Magic #205.
Voilà sans doute le meilleur titre d’album de l’année : Shitty Hits (“tubes merdiques”), c’est la promesse d’un disque qui maîtrise la pop mais ne se prend pas au sérieux, qui infuse ses titres entêtants d’une dose d’humour capable de les rendre attachants. L’espiègle auteure s’appelle Katie von Schleicher, une Américaine au nom terriblement allemand (mais elle est tellement américaine qu’elle le prononce avec une patate chaude dans la bouche). Ce patronyme ne vous dit rien, c’est normal, la jeune femme de trente ans en est à son premier essai, si on fait abstraction d’une cassette qu’elle a enregistrée en 2016 pour le label new-yorkais Ba Da Bing, chez qui elle travaille aussi en tant que chef de projet.
“Mon patron, Ben Goldberg, m’a proposé d’enregistrer une cassette : on le fait souvent, ça ne coûte rien à produire. J’aurais pu me contenter de faire des reprises en karaoké, mais j’ai pris six mois pour la faire, en composant et produisant mes propres chansons. Si tu as un minimum d’estime de toi et que tu te considères comme une artiste, tu t’investis.” Katie von Schleicher, multi-instrumentiste pour d’autres groupes et à ses heures perdues, attendait une occasion pour se lancer : “C’était une situation sans pression. J’ai pu m’immerger dans la musique malgré mon manque de confiance en moi.” La cassette ayant fait son effet auprès de Ben Goldberg, Katie a gagné le droit d’enregistrer un album, le fameux Shitty Hits.
Shitty Hits ne cesse de changer d’humeur, ne recule pas devant une dose de drame, ne renonce pas à l’humour
Faut-il comprendre le titre de façon littérale ? “Je n’y avais pas pensé”, répond Katie von Schleicher. “C’est un terme que j’utilise pour les chansons que j’aime.” C’est aussi une réminiscence de son enfance passée au fond du Maryland à écouter Céline Dion, Whitney Houston et les opérettes kitsch qu’affectionnaient ses grands-parents. À la fac de musique à Boston, son horizon s’est ouvert : elle a découvert Neil Young, les Beatles et Wilco (le parfait Yankee Hotel Foxtrot figure à son panthéon musical). Ses compositions aujourd’hui tentent une impossible synthèse entre ces influences discordantes et s’en sortent bien. On sent partout une recherche d’équilibre, autant dans la construction des titres où l’enthousiasme des mélodies est tempéré par la mélancolie des paroles, que dans la structure de l’album qui s’ouvre en fanfare, s’offre une pause acoustique, s’achève avec intensité. Shitty Hits ne cesse de changer d’humeur, ne recule pas devant une dose de drame, ne renonce pas à l’humour. Et fait penser tour à tour à Feist dans son dénuement folk, aux Apples in Stereo quand la pop redevient enjouée et à Beth Ditto pour son lyrisme rageur déversé par les guitares.
On soupçonne tout de même qu’il manque à Katie un peu d’assurance, ce petit extra qui lui permettrait ne pas avoir peur de s’engager en entier dans une voie et de l’assumer jusqu’au bout. Les commentaires qu’elle émet sur son travail corroborent cette hypothèse. “J’aimerais que les gens puissent se reconnaître dans les paroles. Ou dans ma musique. Enfin, pas forcément tout l’album. S’ils apprécient une chanson, c’est déjà bien.” Vas-y Katie, c’est bon !