On l’imagine un bras en l’air et les sourcils froncés. Neil Young, 72 ans, a sorti un nouveau coup de gueule, The Visitor. L’album forme un tout sans queue ni tête mais qui recèle de belles pépites.
« I’m a Canadian by the way but I love the USA » (« Au fait, je suis canadien mais j’aime les États-Unis »), prévient Neil Young dès les première phrases de The Visitor. C’est peut-être parce qu’il n’est pas américain que le Loner et son groupe Promise of the Real s’autorisent un nouvel album si enragé contre la tête blonde au sommet des US. Sur une musique rock rappelant les belles années du Crazy Horse, Neil Young charge Donald Trump et répond à son « Make America great again » avec un beau Already Great au son épais, sale, saturé de cymbales baveuses. The Visitor part ensuite dans de multiples directions, comme les multiples tableaux d’une spectacle.
Voici Nel Young qui harangue la foule sur un rock martial (Fly By Night), le voilà avec sa guitare, sa voix douce et sa folk immortelle (Almost Always, Forever). Il réapparaît sous un chapeau de cowboy claquant un blues des plus classiques (Diggin’ a Hole) ou une country mélancolique (Change of Heart). Carnival, sketch énigmatique construit sur une alternance couplets/refrains obsédante aux changements de mesures boiteux, sent la musique latine, Sixto Rodriguez et la guitare flamenco. Entre deux morceaux de plus de huit minutes, se faufile un petit When Bad Got Good facétieux. Neil Young demande à ce que le « liar in chief » (« menteur en chef ») soit enfermé, sur blues traînant et tapageur à la Tom Waits. Oublions vite Children of Destiny, titre grandiloquent avec orchestre, cuivres, choeurs et tout le tintouin qui parle à la patrie et aux enfants, qui plaide contre la guerre et pour la protection de la planète. Vous savez, c’est le moment du spectacle où vous soupirez parce que ça fait « trop ». The Visitor, en accès libre (comme l’ensemble de sa discographie) sur son site neilyoungarchives.com, cache de jolies perles musicales, derrière toute une scénographie digne du plus virtuoses des saltimbanques.
Louise Beliaeff