Le groupe de Philadelphie livre vendredi Rock Island, un deuxième album grisant de créativité. Onze morceaux de bravoure qui démontrent la richesse de la “naïveté” en musique.
Il y a chez Palm ce qui justifie l’appellation des peintres, dits “naïfs”. Comme ceux-là, ce groupe se joue des canons de l’académisme. L’excellent Rock Island, à paraître le 9 février sur Carpark Records, confirme en beauté ce penchant pour l’exploration formelle et permet de mesurer tout le chemin parcouru. De leurs débuts new-yorkais, qui les rangeaient plus du côté du math rock et des musiques expérimentales, jusqu’à leur nouvelle vie à Philadelphie, dont l’air a eu sur eux le même effet que sur la soul des 60’s : Palm est plus acidulé et coloré que jamais.
Les six cordes folles d’Eve Alpert et Kasra Kurt ne dialoguent plus en contrepoint mais s’expriment presque à l’unisson, comme pour ménager plus de place aux chants de ces mêmes guitaristes. Ces deux là occupent une place proéminente, mais la batterie d’Hugo Stanley et la basse de Gerasimos Livitanos n’en sont pas moins des éléments cruciaux dans leurs créations profuses, qui évoquent bien souvent les bouquets colorés d’une Séraphine Louis.
L’équation semble complexe ? Pourtant le résultat est saisissant d’évidence. Et laisse même percer ses influences. On retrouve les élans solaires de Brian Wilson, l’excentrisme de Bitte Orca des Dirty Projectors, la résurrection des guitares déglinguées du Trout Mask Replica de Captain Beefheart (1969), le ludisme d’Animal Collective, ou encore une certaine parenté avec les Canadiens de Women. L’écoute est exigeante, certes, mais ce qu’elle requiert en concentration, elle nous le rend en un plaisir décuplé.
Avec leurs têtes de l’emploi d’intello-hipster et leur art-rock savamment alambiqué, ces autodidactes, point commun qu’ils ont encore avec les naïfs, pourraient passer pour d’agaçants premiers de la classe. Mais au milieu de cet océan de talent, ne règne en définitive qu’un humble équipage, parti à l’assaut d’un nouveau continent, Rock Island.
Benjamin Petrapiana