Avec Vessel, Frankie Cosmos publie ce vendredi un troisième album brillant, coup de coeur dans le numéro 208 de Magic. En marge de la rencontre que nous publions dans notre magazine, la chanteuse américaine nous explique ici comment son métier se heurte encore à sa personnalité très timide.
Comment est-il possible de jouer une pop si pure, presque old school, alors que la plupart des jeunes de ton âge (23 ans) sont très influencés par le hip-hop et les sons électroniques ?
Bonne question ! Je pense que les instruments live ne disparaîtront jamais. Être dans un pièce et jouer pour les gens, c’est tellement différent d’appuyer sur un bouton pour écouter de la musique faite par un robot. Ce n’est pas une expérience remplaçable. Je suis aussi très maladroite avec la technologie. Je suis très mauvaise pour utiliser mon téléphone ou mon ordinateur… Les technologies sont en perpétuel mouvement et c’est justement ce qui me fait peur. Il faut mettre à jour ses compétences en permanence. Moi, j’aime apprendre à jouer d’un instrument qui ne change pas, dont je pourrai jouer en permanence sauf cas de force majeure. Pour qu’on m’empêche de jouer d’une guitare, il faudrait que je perde mes mains.
La manière de jouer d’un instrument est plus importante que le son produit ?
Exactement. Mais par ailleurs je n’écoute pas beaucoup de musique électro non plus. La plupart des musiques que j’écoute sont de la même famille que Frankie Cosmos, c’est-à-dire qu’elles sont produites de manière analogique. J’aime sentir que c’est une action physique qui permet de donner un son. J’aime la qualité proprement humaine qui consiste à produire d’heureux accidents pour jouer de la musique.
Mais tu crains les concerts. Au Pitchfork Festival à Chicago, tu as dit au public qu’il y avait trop de monde.
Oh mon dieu, c’était tellement effrayant… Il y avait effectivement trop de monde. J’avais l’impression que ça sonnait mal, je n’arrivais pas à m’entendre… J’aime jouer seule dans une petite pièce avec pas grand monde, j’ai toujours l’impression que ce sont mes meilleures performances, parce que c’est plus simple. En juin, on va jouer devant 12000 personnes à New York en ouverture de Belle And Sebastian. Ce sera le plus gros concert de ma vie. Le simple fait d’y penser me stresse. Le live reste intimidant pour moi. Je me dis encore : “Mais pourquoi ces gens payent pour venir nous voir, c’est fou !”. Mais bon, je sais que c’est cool. On y rencontre toujours des gens transformés par la musique, ça me rend heureuse.
Quels autres jobs pourraient te rendre heureuse si tu ne faisais pas de la musique ?
J’ai eu envie d’être enseignante, pour des petits. Prof d’art ou quelque chose comme ça. Parfois je me dis même que si la musique restait mon hobby, ce serait plus simple. Je ne suis pas une performeuse née, j’ai toujours peur de la scène et je pense que je suis un peu trop sensible. Vivre de ma musique va avoir un impact sur ma personnalité parce que c’est tellement bizarre…
Tes parents sont comédiens. Ça ne t’aide pas « banaliser » le métier d’artiste ?
Aussi loin que je me souvienne, j’étais une enfant timide et je n’aurais jamais voulu faire ce que faisaient mes parents. La conséquence positive, c’est qu’ils sont d’un grand soutien. Les enfants qui font de l’art s’entendent souvent dire qu’ils doivent chercher un vrai travail. Mes parents ne me diront jamais ça. Ils savent que c’est un vrai job. Ils ont aussi beaucoup voyagé, vécu des expériences proches des tournées. Ils comprennent ce que je vis.
Entretien et photo : CÉDRIC ROUQUETTE
Chronique de Vessel et rencontre avec Frankie Cosmos à lire dans Magic
S’abonner à Magic + un 33T de Vessel pour 49 euros
En concert le 26 mai à Paris, 1er juin à Lille et le 3 juin à Nantes