À 28 ans, Cosmo Sheldrake cultive la passion du son. Celui d’un métro aérien à Paris, d’un klaxon en Inde, d’une crevette au beau milieu de l’Atlantique. Dans son premier album The Much Much How How And I sorti le 6 avril, le jeune britannique fantasque a mêlé les bruits du monde aux instruments acoustiques. Une truculente polyphonie.
Pelicans We, votre EP sorti en 2015, était inspiré des sons d’animaux en voie de disparition. La pochette de votre nouvel album représente un bestiaire de poissons. Le monde subaquatique vous a inspiré ?
Oui, d’ailleurs, il y a plusieurs enregistrements de poissons au seine de l’album, dans les titres Wriggle ou Pliocene. Ils représentent la frontière entre le monde naturel et le monde imaginaire. C’est si coloré, vivant, charismatique… J’aime beaucoup les poissons.
Combien de sons différents utilisez-vous dans un titre ?
Dans certains morceaux comme Spring Bottom, c’est assez simple. Il y a huit ou neuf sons et instruments différents. Mais dans Wriggle par exemple, il y en a des centaines. On ne peut même pas les entendre. Il y a déjà sept ou huit sons différents juste pour la caisse claire.
Livrez-nous un son mystère de votre album…
Dans Spring Bottom, j’ai enregistré ma copine dans son bain (rire). Dans Eggs and Soldiers, j’utilise le son du roulement d’un escalator mis en boucle. Ça installe le tempo. Mais vous n’avez pas besoin de savoir que c’est un escalator si le son transmet déjà la sensation que je voulais, ce mouvement. Ca m’est égal que les gens reconnaissent les sons que j’ai utilisés. Ce qui est important pour moi, c’est l’effet d’ensemble.
Avez-vous pensé à joindre une description des sons que vous utilisez dans votre album, pour chaque morceau ?
Non, enfin j’y ai déjà pensé mais c’est compliqué parce que certains sons ont une histoire, d’autres en ont moins. Je pense que ça pourrait être super bien, faire un projet ou je nomme tous les sons que j’utilise en accompagnant d’une petite histoire pour expliquer d’où ils viennent…. Mais à moins de le faire pour tous les sons sans exception, ça ne marche pas. En live en revanche, je prends le temps d’expliquer l’histoire de certains sons.
Vous avez étudié l’anthropologie et l’ethnomusicologie. Composez-vous votre musique dans une démarche scientifique ?
Pas tout à fait. Je compare ma façon de faire de la musique à du collage. C’est plus organique que scientifique. En biologie, tout est stérile, tout doit être compté. Je considère plutôt que je coupe et j’assemble, comme de la poésie ou des collages.
Dans votre album, vous mixez les sons et les parties instrumentales. Les bois et les cuivres sont très présents, moins les cordes. Pourquoi ?
Les cordes ne m’attirent pas vraiment. Je préfère les bois. J’aime beaucoup les cordes quand elle sont jouées en staccato, quand c’est énergique. Je trouve que les instruments à cordes sont toujours associées à un grain bien particulier, comme la guitare électrique. Cela déclenche immédiatement une réponse, une brutalité.
Quel est votre prochain projet ?
Ce que j’aime le plus, c’est explorer les sons. Donc je vais continuer. Ce sera surement encore plus recherché. Peut-être que je ferai quelque chose sur les espèces disparues de la planète ou sur les chants d’oiseaux, toujours avec une dimension écologique. L’écologie c’est la façon dont tout est connecté. C’est remarquer les connexions entre tout. Je suis très influencé par cette approche. J’aime que ma musique soit située dans un environnement. J’aime que les choses se ressentent comme un tout et non pas comme des choses distinctes. Je veux créer une expérience où vous êtes immergé dans un univers et toutes les choses autour de vous semblent en vie. Comme une sorte de polyphonie.
Propos recueillis par Louise Beliaeff
Photo : Julia Borel