Voilà un disque ou plutôt un projet qui de prime abord ne dira peut-être rien aux moins de vingt ans. Pour clarifier tout de suite les choses, un peu d’histoire s’impose. Claudia Brücken fit partie du groupe allemand Propaganda avec la co-vocaliste Suzanne Freitag (que l’on retrouve d’ailleurs ici) signé sur le fameux label anglais ZTT , dirigé par l’ex-Buggles Trevor Horn, qui vit l’émergence de Frankie Goes To Hollywood, la confirmation du Art Of Noise d’Anne Dudley.
De Propaganda, on retiendra surtout et avant tout le premier album, A Secret Wish, porté par deux singles, Duel et P.Machinery, qui ne devraient pas cacher la qualité d’un disque bien plus ambitieux qu’il n’y paraît. Propaganda, c’était un peu le mariage de l’avant-garde et de l’expérimentation avec la pop des eighties. Des leçons sans aucun doute conservées du krautrock et des pionniers de l’ambient. Soit un son sophistiqué et synthétique qui influença la dark-wave. Malheureusement pour le groupe, ils subirent malgré eux cette culture du One-Hit Wonder en vogue à cette époque et furent éclipsés par le succès monstrueux de leurs voisins de label, Frankie Goes To Hollywood. Jerome Froese est bien le fils de son père Edgar, fondateur de Tangerine Dream, ils collaborèrent d’ailleurs entre 1990 et 2006.
Aussi étrange que cela puisse paraître, même si l’on peut s’attendre à un disque plus tourné vers des sonorités d’une autre époque, Beginn est au contraire bien le disque de deux auteurs, de deux musiciens toujours en quête d’inédit et d’excitation première. Paradoxalement, c’est en partant d’un matériau très référencé que les deux s’épanouissent et affirment une véritable singularité. (The) Last Dance évoquera aux plus nostalgiques le Bel Canto D’Anneli Drecker du temps de Shimmering Warm And Bright. Toutefois, l’influence du père se fait sentir sur le fiston Jerome Froese : on retrouve chez lui cette même dilatation de l’espace-temps et cette versatilité dans les propos. C’est assurément quand le duo affirme bien plus sa dimension la plus électronique qu’ils sont les plus pertinents à l’image de Cards et sa structure tortueuse et presque drum‘n’bass. Les formules Pop sont peut-être un peu plus prévisibles mais Light Of The Rising Sun, pas si éloigné d’Ulver provoquera quelques frissons. Un disque qui devrait combler à la fois les adorateurs de Cocteau Twins ou d’Hector Zazou avec ses climatiques brumeuses et lumineuses sans tomber dans un simple geste de nostalgie un peu pathétique.
Grégory Bodenes