Le supergroupe de néo-soul, emmené par les frères de cœur Josh “J” Lloyd-Watson et Tom “T” McFarland, nous offre un deuxième album intime et néanmoins ouvert sur le jeu collectif de ses sept musiciens et choristes.
Les présentations s’imposent, si l’on en croit les premiers extraits clippés de leur deuxième album, For Ever. Sur les hauteurs de Los Angeles (House In LA) ou dans un studio-moitié garage (Happy Man), les membres de la formation britannique acceptent d’être filmés pour la première fois, et officialisent ainsi leur retour. “Nous voulions présenter Jungle au public, même si ça nous rendait anxieux de ne pas contrôler ce qui se passait derrière la caméra“, confie Tom, au nom du groupe, dans les locaux de leur label parisien. Les deux leaders n’éprouvent plus le besoin de se cacher derrière leurs initiales.
La tournée de deux ans qui a suivi la sortie de leur premier album, en 2014, a fini de lever le voile sur la physionomie d’un groupe qui ne se donnait à voir qu’au travers des performances de ses danseurs, en survêts et baskets estampillés Adidas. “Vous savez ce que c’est, vous grandissez et les modes changent“, s’amuse McFarland. L’accent est porté sur la dynamique de groupe. Même si les deux Londoniens composent seuls, ils ont fait intervenir leur bande pour l’enregistrement des instruments et des chœurs, accompagnée d’une section de cordes, The Wired Strings, ainsi qu’une tierce personne, le producteur Inflo (Michael Kiwanuka), pour arbitrer leur trop plein d’idées. “Nous voulions embrasser le fait d’être un groupe de live assez tôt dans la communication du deuxième album“, résument-t-ils. C’est aussi l’occasion de présenter leur nouvelle recrue Nat, danseuse et chorégraphe, derrière les clips Happy Man (director’s cut), Cherry et Heavy, California, où la danse s’invite à nouveau au premier plan.
“Jungle, c’est une série d’accidents”
Josh et Tom ont à cœur de laisser leur égo de côté. “L’arrogance est un poison, disent-ils d’une seule voix. La pire des choses serait de perdre de vue ce que nous sommes.” Une leçon d’humilité à destination des artistes qui créent une page Facebook avant de sortir un titre. “Certains artistes sont devenus des trous du cul à cause de la pression, dit Tom. On se souvient tous des Libertines. Nous, on veut bâtir une carrière jusqu’à nos 50 ans.“ Leur musique a le potentiel d’être iconique avec son mélange de funk, jazz et disco – hérité du brassage culturel de leur quartier de l’ouest londonien, Shepherd’s Bush – et leurs harmonies en voix de tête empruntées aux Beach Boys et Crosby, Stills and Nash. Les deux producteurs-multi-instrumentistes ne renient pas la filiation, même si le temps où il mimait d’autres artistes, The Strokes et Kings of Leon en tête, est révolu.
Jungle a rencontré le succès il y a quatre ans, en naviguant à l’aveugle. Leur premier disque aurait pu être écouté par dix personnes, sauf qu’il a fait le tour du monde. “Jungle, c’est une série d’accidents, d’erreurs et de découvertes surprises“, dit Tom. Méfiants et loin d’être extravertis, les deux hommes refusent de se laisser happer par une industrie qui produit surtout des stars avec un bon storytelling. Qu’ils chantent leurs ruptures ou la perte d’un ami proche – tué à Londres en janvier, ils ont profité de l’enregistrement de leur nouvel album pour chasser leurs idées noires. “Sur cet album, on raconte notre histoire, confient-ils. J’espère que notre public s’en rendra compte et qu’il apprendra à nous connaître, sans que l’on soit en couverture des magazines, à la télé ou suivis par des paparazzis.” Leur premier disque n’était qu’imagination et fantasme,“parce que nous n’avions pas confiance en notre capacité à décrire correctement nos émotions.” Entre amour et désamour, celles-ci sont bien réelles.
Alexandra Dumont
Photo : Charlie Di Placido