Programmée ce mardi 20 novembre au Petit Bain (Paris) dans le cadre de la soirée Le Grand Salon volant, Pauline Drand a fait paraître un des disques les plus lumineux de la rentrée, Faits Bleus (voir Magic #211). Elle entame un nouveau cycle créatif avec le EP Ô Fortes ! à paraître le 10 décembre.


Ton premier album, Faits Bleus, paru en septembre, a été très bien accueilli, pas seulement par Magic. On sent que ce n’est pas un bonheur ordinaire.

C’est juste. Je ne peux pas être 100% satisfaite et heureuse, je commence à peine toucher ce que je veux. Mais c’est une vraie période d’ouverture. Sortir un premier album est en soi un événement important, mais c’est une période où je sens quelque chose qui s’affirme dans ma création et dans la façon dont elle évolue. Je sens que les gens qui écoutent sont touchés par quelque chose que je ne parvenais pas à matérialiser jusque là. J’ai énormément d’idées et de matière et je commence à savoir comment les présenter. Je n’ai pas énormément de recul pour analyser tout cela, mais je suis satisfaite de la qualité d’écoute et de réception qui accompagne mon travail. J’ai eu d’heureuses surprises. Ces surprises me confortent dans mes choix, toujours emplis de doute.

Par exemple ?

J’ai eu de très belles chroniques et la plupart vont au-delà de l’exercice classique, je les prends comme des lettres, des textes très investis. Les gens qui ont écouté le disque se le sont vraiment appropriés, au-delà de la musique, jusqu’à des références à la littérature ou au cinéma. J’ai senti dans ces retours ce que j’ai senti moi-même pendant la création de l’album.

« Sa voix grave et lancinante qui lutte, son univers visuel de plus en plus affirmé nous fait peu à peu quitter l’image d’une chanteuse, pour celle d’une artiste » est-il écrit dans la présentation de la soirée Le Grand Salon volant au Petit bain, mardi, où tu es programmée. Est-ce juste de dire que ton rapport aux autres disciplines artistiques font de toi une artiste plus qu’une musicienne ?

Je n’aurais pas osé écrire ça. C’est Alexis Paul, l’organisateur, qui a signé ces mots. Je comprends ce qu’il veut dire par là. Il décrit ce qu’il voit en moi dans la scène actuelle, pour défendre sa programmation (rires.) Artiste, c’est un mot compliqué…

… mais tu nourris ce type d’association avec ton univers visuel : pochette, photos, vidéos par exemple.

C’est vrai. Cette cohérence est une volonté. Elle s’affirme. En fait, avant de fabriquer quelque chose pour le public, je dois être touchée par d’autres choses chose, dans une position de récepteur. Par la vie, par des mots, par des images, par des œuvres qui vont se relier entre elles. Ce qui me touche, ce sont ces liens et ces associations. Faits Bleus, c’est un titre qui m’a beaucoup travaillée. Il m’est venu comme ça. En créant, j’ai essayé de le dénouer, et je l’ai fait au moins dans le recueil (NDLR, un petit livre de textes tiré à 150 exemplaires en octobre 2018 chez ISTI MIRANT STELLA) que dans l’album. Ces phrases font surgir beaucoup de références. Rien n’est gratuit dans ce que je propose. La pochette, c’est une idée. Les photos, ce sont d’autres idées. Je réfléchis au visuel autant qu’à ma musique : Que retranscrire ? Avec qui ? Comment ? Ça peut venir par flash, mais ça doit me faire penser à quelque chose. C’est ce qui fait la cohérence de mon travail. J’ai fait, dans le passé, des pochettes que je ne reconnais plus aujourd’hui. Je ne laisse plus faire les choses désormais. Je construis. J’ai une exigence énorme pour le public qui va faire l’effort de se procurer un disque. Je veux lui donner de la matière pour l’amener ailleurs. Sans tout expliquer. J’ai quelque chose d’un enfant qui cache plein de choses. 

As-tu idée de ce que sera la suite de ta carrière ?

Je suis déjà dans la suite. Faits Bleus est la fin d’un cycle. Une belle fin, mais qui retrace une période révolue de création et de vie. Je vais commencer un deuxième cycle avec la sortie du disque Ô Fortes ! le 10 décembre, un vinyle de deux titres avec Armures Provisoires. C’est déjà autre chose. J’ai hâte de m’y mettre, même si j’ai envie de faire de la scène. Je sortirai des choses en 2019. Les chansons sont là. Il faut les enregistrer, et je sais le travail que cela représente.

Entretien : Cédric Rouquette
Photo : Visions Particulières

Un autre long format ?