TOP DE FIN D’ANNÉE. Les rédacteurs de Magic délivrent tous les jours leur Top 2018, sous la forme d’une liste de 10 albums, assortie d’un texte de mise en relief. Épisode 5 avec Marie Moussié.
- THEE OH SEES – Smote Reverser (Castle Face Records)
- KAMASI WASHINGTON – Heaven And Earth (Young Turks)
- SLEEP – The Sciences (Third Man Records)
- BLOOD ORANGE – Negro Swan (Domino)
- KADHJA BONET – Childqueen (Fat Possum Records)
- PUSHA T – DAYTONA (Def Jam Recordings)
- THE LEMON TWIGS – Go To School (4AD)
- JOEL HENRY LITTLE – Spuyten Duyvils (Microcultures 2)
- PARQUET COURTS – Wide Awake! (Rough Trade)
- BLACK REBEL MOTORCYCLE CLUB – Wrong Creatures (Vagrant Records)
+ les rééditions de cinq albums de HARUOMI OSONO, 5 albums entre 1973 et 1989 par Light in the Attic : Paraiso de Haruomi Hosono and the Yellow Magic Band (1978) et Omni Sight Seeing (1989), Philharmony (1982), Cochin Moon (1978), Hosono House (1973) de Haruomi Hosono.
Ce top albums 2018 est le fruit d’un procédé d’écoute unique et uniforme. Le test de la Prom’. J’emprunte la Promenade des Anglais, à Nice, quotidiennement pour aller au boulot puis en partir, très tôt le matin et à la tombée de la nuit. Ce trajet répété m’a permis de saisir les morceaux qui avaient le pouvoir d’en transformer la monotonie, le caractère figé. Sur la Prom’ je vois l’immuable : la mer plate et, de l’autre côté de la route, une rangée d’immeubles très bourgeois qui ne laisse pas de fenêtre sur l’horizon aux habitants des quartiers populaires. Cette description grossière du spectacle des choses qui ne changent pas m’a fait penser que la musique ne changeait pas non plus. Je croyais qu’il serait plus simple d’établir un top 1978 qu’un top 2018, et je me suis trompée. Je craignais que les bons albums deviennent plus rares.
“Nous sommes à la fois les créateurs et les créations de notre univers personnel”, dit le jazzman californien Kamasi Washington, dont j’ai cité le magnifique album Heaven And Earth en numéro deux. Ce top 2018 est effectivement une traque aux influences, à des thèmes aussi immuables qui font de bons albums.
J’ai trouvé cela à travers de petits détails comme le sample de Bumpy’s Lament composé par Isaac Hayes et présent dans DAYTONA de Pusha T. Aux antipodes du détail, il y a bien sur l’énorme Smote Reverser de Thee Oh Sees, ses soli de guitare en voie de disparition et son penchant très rock prog. Mais aussi les grandes heures du punk new-yorkais grâce aux Parquet Courts, ou l’évidence de la vraie pop et de toute son histoire avec l’album des Lemon Twigs… Ils ont tous passé le test de la Prom’.
Mais il serait un peu triste que 2018 ne montre guère de changements. C’est pourtant le cas et l’incroyable Kadhja Bonet l’exprime ainsi : “Je n’ai aucune facilité avec les instruments, je joue de tout approximativement et les logiciels me permettent de créer cette illusion. Pour la musique que je fais, je ne suis pas née à la bonne époque, mais pour les moyens techniques qui me permettent de la faire, je n’aurais pas pu naître à une autre époque.” Un jour, aucune idée ne pourra être perdue par manque de moyens d’expression.
MARIE MOUSSIÉ est journaliste radio de formation. Elle fait ses premiers pas dans la presse musicale chez Magic à l’été 2018. Adepte de la critique d’album en 700 caractères, elle a également écouté une quinzaine de musiques de films d’Ennio Morricone pour le Guide d’écoute du #212.
