“Les femmes de la pop enfin écoutées” : Le Top 2018 de Paméla Rougerie

TOP DE FIN D’ANNÉE. Les rédacteurs de Magic délivrent tous les jours leur Top 2018, sous la forme d’une liste de 10 albums, assortie d’un texte de mise en relief. Episode 9 avec Paméla Rougerie.

 

  1. MITSKI – Be The Cowboy (Dead Oceans)
  2. LAURA VEIRS – The Lookout (Bella Union)
  3. CAT POWER – Wanderer (Domino)
  4. YO LA TENGO – There’s A Riot Going On (Matador)
  5. VIRGINIA WING – Ecstatic Arrow (Fire Records)
  6. FLORENCE AND THE MACHINE – High As Hope  (Virgin EMI)
  7. THE BETHS – Future Me Hates Me (Carpark)
  8. EN ATTENDANT ANA – Lost And Found (Buddy / Montagne Sacrée)
  9. ELISAPIE – The Ballad Of The Runaway Girl (Bonsound & Yotanka)
  10. THE BLAZE – Dancehall (Animal 63)

+ Les singles de Nilufer Yanya, Do You Like Pain? et Heavyweight Champion of the Year

On pourrait croire que c’est seulement cette année – alors que le mouvement #MeToo fait encore des vagues et que les artistes n’hésitent pas à revendiquer leur féminisme – que les songwriters féminines de la pop ont trouvé quelque chose à dire. C’est totalement faux. La différence est que, cette fois, on les écoute. Et ce, même lorsqu’elles parlent de sujets couramment mis de côté : coeurs brisés, solitude et dépression ne sont plus une excuse pour discréditer les femmes de la pop. L’exemple parfait ? L’excellent album Be The Cowboy de Mitski, porté à lui tout seul par le titre Nobody, un hymne-défouloir parfait pour les esprits romantiques dont l’humeur se dessine comme une courbe d’oscilloscope. Du côté de Virginia Wing, on signe un manifeste ouvertement militant (“Keep it together, we are together. (…) We are rising”, tonne la chanson The Female Genius) avec un fond sonore rétro rappelant le meilleur du kitsch des années 80.

Loin des défouloirs, certaines des grandes artistes de l’année offrent des rencontres plus sages, à la façon de conteuses qui usent de leurs guitares pour raconter leurs petites histoires transporteuses, telle Laura Veirs, une valeur sûre de ce top, ou Elisapie, qui s’applique à mélanger savamment ses multiples influences (inuit, québécoises et anglo-saxonnes). D’autres ont décidé de porter leur griefs via des instrumentations bourrées de poésie et de délicatesse, comme Cat Power, ou l’inévitable Florence and the Machine, qui est parvenue à se renouveler en déployant la même recette qui fait d’elle une valeur sûre : une voix puissante, une abstraction intrigante dans le texte et des refrains irrésistibles.

Entre la France et la Nouvelle-Zélande, les voix féminines des leader (leadeuses?) d’En Attendant Ana et The Beths construisent, elles, un couloir tapissé de posters des groupes rétro que l’on affichait, jeunes, pour exprimer nos dramatiques appels de détresse (et notre soif avide de culture et de références pointues). Un couloir dans lequel résonnent des riffs de guitare entêtants, de mélodies ensoleillées même pas ternies par des textes à la fois énervés et mélancoliques.

En bonus de ce top apparaissent les deux singles de la précocement talentueuse Nilüfer Yanya, Thanks 4 Nothing et Heavyweight Champion of the Year, marquant la capacité irréfutable de la jeune Britannique de créer des sons riches et forts, dotés de textes parfaitement inscrits dans leur temps (textos sans réponse, problèmes de coeur), et ce presque sans effort. Une affirmation de plus pour le genre. “Cette chanson parle de la tendance dans la société à diminuer et à saper les contributions des femmes… à tous les niveaux”, disait Virginia Wing de son titre The Second Shift. Peut-être que cette année, en effet, les compteurs commencent à se rééquilibrer.

Mais attention, pas question d’être misandre dans la musique pop. Car les hommes aussi aiment utiliser la musique pour se jouer des codes, à la manière de The Blaze et leur électro habilement manoeuvrée. Chez le duo français, on s’amuse à employer une voix vocodée ultra-virile sur une orchestration épurée qui allie onirisme et mouvements de têtes brusques. De quoi créer des genres nouveaux. Ou, au moins, asseoir le talent d’artistes qu’on a, en fait, jamais vraiment remis en cause. Et ce, à juste titre.

Journaliste au Parisien, Paméla Rougerie est passée par les rédactions de Culturebox et de Magic en 2017 avant d’avoir, pendant un temps, été reporter pour le projet de magazine Vraiment. Elle délivre ses chroniques avec une régularité métronomique.

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