TOP DE FIN D’ANNÉE. Les rédacteurs de Magic délivrent tous les jours leur Top 2018, sous la forme d’une liste de 10 albums, assortie d’un texte de mise en relief. Épisode 17 avec Matthieu Chauveau.
- VILLAGERS – The Art of Pretending to Swim (Domino Records)
2. THE SLOW SLIDERS – Glissade Tranquille (Kythibong / Eminence Grise)
3. CHEVALREX – Anti Slogan (Vietnam / Because Music)
4. LAURA VEIRS – The Lookout (Bella Union)
5. THE SEA AND CAKE – Any Day (Thrill Jockey / Differ-Ant)
6. BLOOD ORANGE – Negro Swan (Domino Records)
7. THE LAST DETAIL – The Last Detail (Elefant Records)
8. ELVIS COSTELLO & THE IMPOSTERS – Look Now (Concord Records)
9. BARBARA CARLOTTI – Magnétique (Elektra)
10. DOMINIQUE A – La Fragilité (Cinq7 / Wagram Music)
+ un film : Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré pour sa bande-son rêvée (Cocteau Twins, Cardinal, Prefab Sprout, The Sundays, Ride, Cowboy Junkies, Harry Nilsson…)
Il y a (au minimum) deux manières d’envisager l’élaboration d’un top de fin d’année. La première a à voir avec la grande histoire – celle de la pop music du moins. La seconde avec la petite histoire – celle courant sur 365 jours de la vie d’un mélomane, dont le chemin croise des albums qui instinctivement l’obsèdent, d’autres moins.
Dans le premier cas, il est clair qu’un top digne de ce nom hisserait en très bonne place un disque comme Double Negative de Low et son magma sonore dont on est certain de ne pas l’avoir déjà entendu mille fois auparavant (ce qui, pour être honnête, relève presque du tour de force aujourd’hui). Mais l’ai-je écouté plus de dix fois cette année ? Pas sûr. Ce dont je suis certain, en revanche, c’est d’avoir posé plus que de raison The Art of Pretending to Swim de Villagers sur la platine, grand album passé un peu inaperçu, aux inflexions groove habitées (Touched by The Hand of God même, comme dirait New Order) assez inédites dans leur discographie. Ingrédient qu’on retrouve plus logiquement dans l’indie hip-hop soul de Blood Orange, la post-pop subtilement jazzy The Sea and Cake et les tentations tantôt staxiennes tantôt bacharachiennes d’un Elvis Costello impérial (Bedroom) comme il y a trente-six ans.
Peu de groove par contre, mais un folk des plus purs du côté de Dominique A (qui n’a jamais autant sonné comme Leonard Cohen, et pas seulement parce qu’il lui rend hommage sur un titre) et Laura Veirs. Tous deux signent des œuvres à la fois éminemment personnelles (empreintes de Fragilité) et qui questionnent le monde, du haut de leur poste de guet (The Lookout).
Mais l’évasion ultime, c’est encore les grandes mélodies pop qui nous l’offrent le plus nettement. En la matière, Chevalrex excelle avec un Anti Slogan en forme d’épopée intime et pourtant bigger than life, Barbara Carlotti avec ses rêves couchés sur bandes (Magnétique(s)) au pouvoir d’évocation contagieux, The Slow Sliders avec leur art de la Glissade faussement Tranquille mais vraiment virtuose, Mehdi Zannad et Erin Moran (The Last Detail) avec un songwriting haut de gamme au classicisme (Bacharach encore !) éternel. Pas de révolutions en perspective, du double positif qui peut-être même, s’annule. Et alors ? Quel plaisir de se lover dans de grands disques réconfortants à une époque où l’instabilité semble une règle immuable. L’art de prétendre être heureux, en quelque sorte.
Photo : Julien Bourgeois