Jessica Pratt va délivrer ce vendredi neuf morceaux d’une épure et d’une beauté estomaquante dans un album nommé Quiet Signs qui pourrait avoir été enregistré en 1966, 1978 ou 1993, n’importe quand, puisqu’en dehors de toutes les modes. Rencontrée à Paris, la timide Californienne nous raconte la genèse de ce grand disque.
Quiet Signs est présenté comme un album “rare” et “éternel” par ta maison de disque. Cela ne te met pas trop la pression ?
Un peu. Je pense que c’est la partie la plus effrayante, quand on est la seule à connaître le contenu de l’album et qu’on le montre à d’autres personnes, aux gens du label… C’est dur de se lancer, de faire écouter son disque. Ça fait un peu peur mais la seule chose que l’on peut faire est de continuer à croire en ses convictions et d’espérer que les gens vont aimer notre musique.
Quelles étaient tes envies avant de rentrer en studio ?
Quand tu es au début d’un projet, tu peux avoir quelques idées et imaginer à quoi l’album pourrait ressembler. Mais c’est vraiment difficile de voir ça avant la fin de l’enregistrement. Je vais vers des idées, tout en sachant qu’à un certain degré, je ne pourrai pas complètement les contrôler. J’essaye d’être ouverte, à l’affût pendant tout le processus de création. Sur ce disque, il y a eu beaucoup de surprises et de choses inattendues mais quand l’atmosphère générale de celui-ci a commencé à se dessiner, tout m’a semblé finalement logique et c’était finalement la bonne direction à suivre.
Était-ce un album difficile à faire ?
Oui. J’ai beaucoup tourné après la sortie de On Your Own Love Again (2015 sur Drag City). Puis, je suis rentrée chez moi et je n’ai rien fait pendant longtemps. J’avais l’intention de recommencer à écrire immédiatement mais ça ne me venait pas naturellement. Après avoir pris ce congé, ça faisait finalement un bon moment que je ne m’étais pas exercée à l’écriture de chansons. En plus de ça, je m’imaginais l’attente des gens après mes deux premiers disques. J’avais beaucoup de doutes au départ. Je devais travailler sur moi pour arrêter de penser à ça.
Le site américain Pitchfork a nommé ta chanson This Time Around dans sa catégorie “meilleure nouveauté”. Tu sens que quelque chose de spécial se passe autour de ton album ?
Je ne savais pas du tout comment les gens allaient réagir à ce disque. Je pense que prendre autant de temps pour l’écrire et l’enregistrer m’a fait un peu perdre mon point de vue sur le fait de savoir s’il était bon ou mauvais. J’aime cet album, mais je ne maîtrise pas son accueil. Donc, j’étais très heureuse de voir l’engouement autour de This Time Around. Je me sentirai extrêmement chanceuse si quelque chose se passe autour de Quiet Signs.
Ta musique est souvent décrite comme douce, délicate, profonde. Comment tu la décrirais ?
Les qualités que tu as citées existent dans ma musique, je pense. Tu as des moments doux, associés à quelques atmosphères subtiles.
La beauté est quelque chose de subjectif. Mais la recherches-tu dans ta musique ?
C’est important pour moi. Je pense que beaucoup de choses dans ma musique sont faites de manière inconsciente. Quand j’écris quelque chose qui me semble bon, je ne sais jamais vraiment comment ça s’est passé. Je suis consciente du travail qu’il a fallu pour en arriver là mais je ne peux jamais vraiment retracer de manière exacte d’où me vient cette idée.
Sur Quiet Signs, tes chansons semblent intemporelles. Est-ce que cet aspect entre dans ta réflexion quand tu composes tes chansons ?
Le fait de pouvoir enregistrer une musique intemporelle compte beaucoup à mes yeux. C’est pour moi le premier critère sur la liste de quiconque entreprend une création. Beaucoup des meilleurs auteurs-compositeurs ont une qualité intemporelle en eux et si je peux partager cela de quelque manière que ce soit, c’est génial.