Exclu : « Les sports imaginaires » de Charlène Darling

Avec Les sports imaginaires, la chanteuse française Charlene Darling dévoile un premier extrait chaloupé de son album “Saint-Guidon” (à paraître fin octobre), dans un clip riant et aquatique.

Filmé un après-midi d’octobre à la piscine Tournesol des Lilas, en compagnie d’amicales sirènes et d’un maître nageur béat, la musicienne y chante « une chanson d’amour concret, le plaisir d’avoir enfin trouvé un amour partagé, la douceur.  Elle a été écrite par mon frère qui devait la chanter en duo avec moi mais on s’est dit que ça serait peut-être un peu trop sulfureux/incestueux. Finalement c’est Marine la claviériste qui chante tous les refrains, et Jérôme le batteur qui m’accompagne pour la voix masculine. Ça marche bien avec sa voix grave je trouve. ». Avec ses airs de molam thaïlandais, sa mélodie radieuse et ses refrains enjôleurs, Les sports imaginaires fait une parfaite mise en bouche (teaser) de la superbe collection d’exercices (de pépites) de style que constitue Saint Guidon, coup de cœur Magic en cette rentrée, et dont voici (déjà), la chronique :

Guidon d’Anderlecht est le saint patron des commerçants, des marchands de bestiaux, des paysans, des domestiques, des sacristains, des carillonneurs et sonneurs de cloches, des pèlerins, des transporteurs de marchandises et des célibataires. On se permettra d’imaginer que c’est en référence à cette dernière catégorie de la population (à moins que… les carillonneurs ?) que la chanteuse française Charlene Darling a ainsi intitulé son premier album studio, elle qui le présente volontiers comme « un album de pop française de jeune fille en fleur », et dont toutes les chansons ou presque parlent d’amour, de cet amour romantique qui nourrit les plus belles mélodies depuis l’époque des troubadours.

Recherche de l’être aimé, quête de l’idéal, l’amour « fleur bleue » (métaphore de l’amour absolu que Novalis inventa pour son roman Henri d’Ofterdingen, en 1802) est ici chanté sans peur ni pudeur, mais avec la gracieuse légèreté de qui sait ce qu’aimer a de doux, de bon et de joyeux. Amours imaginaires, amours concrets, des Pavillons blancs, où elle invoque, en incantations chamanes, tout ce qu’elle pourrait vivre avec un garçon qu’elle désire, aux Sports imaginaires, chantant doucement le plaisir d’un amour enfin partagé, jusqu’à l’amour sublimé mais déconnecté du réel, de Je t’aimerai toujours (« Pour moi, quand on dit “je l’aimerai toujours” c’est que c’est fini ou que ça n’a jamais eu lieu. »), Saint-Guidon s’offre, selon son auteure même, comme « un disque de jeune fille, avec une sorte d’exagération de ce que j’ai pu être au naturel, une nana super romantique qui vit beaucoup mieux les histoires fantasmées de loin que la réalité d’une relation sentimentale ».

Enregistré par le producteur alchimiste Rémi Gérard (alias Mim), dans son studio de Schaerbeek (Bruxelles), animé par le désir d’accoucher (façon maïeutique) d’un premier album original (comme il l’a fait pour le premier album d’Orgue Agnès récemment), Saint Guidon voit la chanteuse passer des autoproductions lo-fi (sous influence Daniel Johnston, Smog) au grand format d’une ambitieuse collection d’exercices de style, maturée sur plusieurs années, en compagnie d’un talentueux collectif amical (des membres des Statonells, du Villejuif Underground, de Belmont Witch et de Trash Kit).

Des percussions réunionnaises des Pavillons blancs aux rythmiques syncopés façon post-punk d’En jean, ou chaloupées façon molam thaïlandais sur Je t’aimerai toujours, Charlène Darling affine et affirme une écriture élaborée, aussi mélodieuse que surprenante, dont l’évidente grâce pop est rehaussée par une production soignée, riche de détails et d’espaces où peut se nicher l’imaginaire de l’auditeur. Mariant ainsi les arpèges minimalistes de guitare de Bill Callahan à de soyeuses nappes de violons (sur Orties), les ellipses sémantiques de Bashung à l’énergie électrique des girl groups des années 60 et des grrls bands des 90’s, Charlène Darling, déjà aguerrie par ses nombreux projets (avec les groupes Pussy Patrol, Rose Mercie ou la Ligne Claire, ou ses collaborations avec élg, Tg Gondard, Oso El Roto), se révèle comme une grande auteure-compositrice, dans la lignée des têtes chercheuses Angel Olsen, Rozi Plain ou Cate le Bon, et Saint-Guidon, un album dont on ne peut que tomber amoureux. W.P.

Saint-Guidon est disponible en précommande juste ici.

Crédit photo : Nora Fangel-Gustavson

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