Après avoir passé une décennie à “être un enfant” au sein des Klaxons – formation phare de la mouvance new rave ayant sorti trois albums entre 2007 et 2015 – James Righton, qui a sorti son album The Performer ce 20 mars 2020, a fini par en avoir un, d’enfant. Ou plutôt deux. Deux filles, Edie et Delilah. Le problème, c’est que la famille de James Righton n’est pas du tout comme les autres.
Quelques mois après la venue au monde de sa petite tête blonde, début 2017, il accompagne son épouse Keira Knightley à Prague, où l’actrice doit participer au tournage du film The Aftermath. Pour lui, c’est l’occasion d’apprendre comment organiser son temps entre l’écriture de ses nouvelles chansons, de crooner, et les changements de couches-culottes. “On est parti à Prague tous les trois pendant deux mois. Là-bas, je me suis dit : ‘Bon, on a une nounou pour Edie, ça fait pas mal de temps que je n’ai pas fait de musique, il est peut-être le bon moment de m’y remettre…’ Et en cherchant un peu, je suis tombé sur cet incroyable studio incroyablement peu cher à louer. J’ai adopté une petite routine agréable où je m’occupais de ma fille le matin, puis je partais au studio jusqu’à 17 heures, avant de m’occuper de nouveau de ma fille. Il était bourré de matériel extraordinaire, des vieux claviers analogiques soviétiques, plein de guitares de tous types accrochées au mur et un Wurlitzer, mon instrument préféré”. S’y sentant comme un gamin perdu dans un magasin de jouets, James Righton commence à trouver la bonne formule et écrit quelques chansons. De retour dans son home-studio londonien, il se rend compte qu’il est, presque instinctivement, en train de composer un album.
Après une première tentative en solitaire sous le nom de Shock Machine, avortée en 2017 après un album “ trop Klaxons à [son] goût”, la paternité donne des ailes à James. Le voilà probablement plus productif qu’il ne l’a jamais été. “Quand t’es jeune, tu dis à tes potes : ‘Venez chez moi à 20 heures, on va taffer sur des chansons’, mais tu sais très bien que tu vas finir au pub à 3 heures du matin, puis tenter misérablement de trouver de nouvelles compos alors que t’es déchiré, se rappelle-t-il entre nostalgie et désapprobation. Maintenant, vu que j’ai davantage de responsabilités avec mes enfants (Delilah est née en 2019, ndlr), j’ai réussi à trouver une façon de m’organiser inédite. Je me bloque cinq après-midis par semaine, comme si j’avais un boulot “normal”, et je t’assure que savoir que ton temps est limité par d’autres priorités fait que tu travailles de façon beaucoup plus efficace.”
Pour la première fois en près de quinze ans de carrière musicale, James Righton décide de signer un disque de son nom civil, et de ne pas se cacher derrière un sempiternel alias. “J’ai un peu hésité à sortir The Performer sous le nom Shock Machine. Mais je me suis rendu compte que je pouvais me servir de mon vrai nom pour une raison toute simple : je n’ai plus rien à prouver et n’ai donc pas à me cacher, pose-t-il. J’ai déjà connu le succès avec Klaxons et je fais de la musique simplement parce que j’aime ça. J’ai d’ailleurs longtemps hésité à me lancer dans le vin après la fin du groupe, parce que je voulais juste faire quelque chose que j’aime. Puis il y a surtout le fait que je me dévoile énormément. Ça n’aurait pas été très intelligent d’être aussi personnel dans mes textes tout en me cachant derrière un pseudo.”
La lettre d’excuse
Dans les textes de The Performer, James Righton évoque ses deux filles, et tout particulièrement sa première née, Edie, “plus grande fan des Beatles au monde” du haut de ses quatre ans et à qui son paternel dédicace Edie. Je voulais simplement lui offrir une chanson qui lui dit combien elle compte pour moi, qu’elle sera forte, qu’elle sera grande. C’est une sorte de lettre d’excuse par rapport au monde dans laquelle elle va vivre…”
The Performer contient quelques brûlots anti-Brexit (See The Monster, Heavy Heart), sujet déchirant pour James Righton, profondément “européen”. “Je ne voulais pas faire un album avec seulement des chansons sur le Brexit. Il y en a déjà eu tant…, Mais ce sujet est tellement grave et important pour moi que je n’ai pas pu y couper… Il n’y pas beaucoup de motifs d’espoir actuellement…”
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En attendant que passe la tempête qui éloigne l’Angleterre de l’Europe, il ne lui reste qu’à prendre soin de sa famille. “Bien que cette interview soit très cool, comprends que je préférerais être à Londres, entouré des miens ! J’aime beaucoup le fait de créer une sorte de fantasme autour de moi dans The Performer, parce que les gens ne s’attendent pas à ce que je devienne un père tout à fait normal dès que j’enlève mon costume de scène”, plaisante-t-il enfin. Et, comme il le dit si bien, un enfant, c’est comme un album. “Sauf qu’au lieu d’occuper nos pensées pendant quelques mois, ça dure toute une vie.”