Playlist : “Ladies at Night”, par Pierre Lemarchand

Durant ce confinement, c'est au tour des journalistes de Magic de présenter leur cheminement musical au travers d'une playlist de cinquante morceaux triés sur le volet, accompagnée d'un texte de leur composition. C'est au tour de Pierre Lemarchand de vous présenter les musiques qui ont fait de lui le mélomane qu'il est aujourd'hui.

Je me souviens d’une scène du premier long-métrage de Laetitia Masson, En avoir ou pas. Je l’ai vu quand il était sorti sur les écrans, en 1994 donc (je n’avais pas vingt ans) et ne l’ai jamais revu depuis. Aussi peut-être ce souvenir est-il inexact, en ai-je réécrit la scène, modifié les dialogues ; peut être en ai-je changé les couleurs et la lumière au fil des années. Alors : Sandrine Kiberlain, qui vient de perdre son emploi dans une poissonnerie et de quitter son copain, part de sa ville (il me semble que c’était une ville triste du nord…). Elle se dirige vers le sud. À un moment, elle se retrouve aux côtés d’un homme plus âgé, dans sa belle voiture décapotable. Le soleil se couche, le ciel rosit, la voiture file dans ce paysage de silence et de solitude. L’homme glisse dans le lecteur une cassette – c’est Nick Drake. Sandrine Kiberlain trouve que c’est une musique vraiment triste – et l’homme de répondre « Non, cette musique est belle. C’est vous qui êtes triste… »

J’ai toujours aimé les chansons mélancoliques. Leur beauté languide, leur lenteur quiète et leur beauté brisée ont toujours obtenu mes préférences. Elles ont régulièrement été mon foyer, mon repli – et cette réplique d’En avoir ou pas m’avait profondément touché, ainsi que fourni de la matière pour répondre à mes amis qui me reprochaient de plomber l’ambiance en soirée !

Quand l’équipe de Magic, revue pop moderne me propose de partager en une playlist cinquante chansons que j’aime particulièrement, je suis vite confronté à la difficulté de l’exercice : cinquante, finalement, est si peu. Aussi me suis-je naturellement dirigé vers ces chansons aux ambiances nocturnes que j’aime tant, et me suis-je imposé de ne choisir que des voix féminines, afin de resserrer le spectre (les voix féminines sont, à y réfléchir, celles qui me touchent le plus, même si Robert Wyatt, Townes Van Zandt, Jason Molina, Vic Chesnutt ou Stuart Staples sont devenus des amis si proches depuis toutes ces années). Aussi voici : “Ladies At Night”. Il demeure tant de chansons absentes, d’artistes manquant à l’appel… Mais assurément, ces cinquante chansons comptent pour moi. J’espère que vous les trouverez belles – si vous les trouvez tristes, vous savez ce que je vous répondrai !

Bonne écoute et portez-vous bien.

https://open.spotify.com/playlist/5w1xpJCWddmUTQ3j8atWEo

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