Durant ce confinement, les journalistes de Magic vous présentent leur cheminement musical au travers d’une playlist de cinquante morceaux triés sur le volet, accompagnée d’un texte de leur composition. C’est au tour de Laurence Buisson de vous en dire un peu plus sur sa passion.
Des voix singulières gorgées d’émotion. Un sens affuté de la mélodie. Des textes porteurs d’une intimité bouleversante ou d’un engagement sincère. Des guitares enveloppantes. Voilà, esquissé en quelques mots, les contours de mon univers musical, ce monde à part dans lequel je trouve réconfort, inspiration et sérénité. Un monde riche d’artistes qui ont su trouver les mots et les sons dont j’avais besoin pour pouvoir me construire et m’ont accompagnée dans les moments clés de ma vie. Résumer ce voyage en cinquante morceaux n’est pas chose aisée. L’exercice est forcément frustrant, je me suis donc fixée comme unique règle de rester la plus spontanée possible.
Au cœur de cette playlist personnelle, on retrouve assez naturellement mes tout premiers émois musicaux d’adolescente, à l’écoute des vinyles de ma mère, grande admiratrice de Joan Baez et des Beatles. On y croise aussi des contemporains de ces derniers, Karen Dalton, Joni Mitchell, Leonard Cohen ou The Velvet Underground, entrés plus tard dans ma vie mais toujours incroyablement présents aujourd’hui.
Mon premier choc musical remonte à mes 21 ans et l’écoute du King Rides By de Cat Power. Je me rappelle la décharge émotionnelle alors ressentie, l’intensité du moment malgré le minimalisme de la musique, la certitude que plus aucune chanson ne résonnerait de la même façon, après celle-là. C’était dans la seconde moitié des années 90, une décennie clé dans la construction de mon identité musicale puisqu’y sont apparus certains des artistes qui comptent le plus pour moi : PJ Harvey, Lhasa, Low ou encore Elliott Smith.
Les années 2000 ont définitivement acté mon goût pour le songwriting avec les bouleversants Jason Molina et Sparklehorse. Elles ont également ancré mon inclinaison pour les voix féminines d’exception grâce à Alela Diane, Meg Baird ou encore Feist. Un panthéon au sommet duquel brillait depuis toujours la reine Nina Simone jusqu’à l’arrivée de Sharon Van Etten. Nous sommes en mars 2012 lorsque j’écoute pour la première fois Love More, un morceau qui tout en changeant profondément le cours de mon existence, me donne enfin le courage d’oser écrire sur la musique que j’aime. Un acte fondateur qui me fait désormais prendre la plume dès que je le peux pour soutenir les artistes émergents qui me sont chers (Aldous Harding ou Big Thief ont été de ceux-là). Ce goût du partage par l’écriture ne m’a plus jamais quittée. Le voyage est infini (écoutez donc Nadine Khouri ou Vera Sola) et en cela immensément précieux.
Le peintre américain Robert Motherwell a écrit : « L’art est moins important que la vie, mais bien pauvre est la vie qui en est privée ». Avec ces cinquantes morceaux emblématiques, je vous offre au final la bande-son de portions d’une vie, ma vie. J’espère que vous y trouverez un peu de la beauté et de l’inspiration que j’y ai moi-même puisées.