Durant ce confinement, les journalistes de Magic vous présentent leur cheminement musical au travers d’une playlist de cinquante morceaux, accompagnée d’un texte de leur composition. C’est au tour de Marie Moussié de vous emmener redécouvrir Little Richard, les Beach Boys et autres Beatles.
Mon père est né en 49, ma mère en 60. Ils aiment la musique. Leur écart d’âge n’est pas anodin, et les disques qui passaient à la maison étaient assez représentatifs de l’évolution de la pop.
Je leur dois de beaux et nombreux souvenirs. L’apprentissage maladroit du rock’n’ roll dans le salon avec Little Richard, à 5 ou 6 ans. Des commentaires que j’aurais dû oublier mais que j’ai longtemps tenus pour des vérités : « Personne ne chante plus aigu que les Beach Boys » ou « Là, c’est John qui chante », alors que c’était Paul. Puis, des promesses : « Tu es trop jeune pour comprendre Zappa, mais tu verras ! »
Le souvenir, aussi, de mon premier lecteur CD portable, offert pour mes 9 ans avec la compil’ 1 des Beatles. Placé à la verticale dans la grande poche de mon anorak, il refusait souvent de jouer le disque qui était dedans, dans cette position. Enfin, ma mère qui massacre (désolée) REM ou les Stones, au volant brûlant de sa R5 Saga, en rentrant de la plage.
Bien consciente de ma ringardise – quelle idée de chanter Norwegian wood en cours de musique devant toute la classe de cinquième – je n’accordais qu’une oreille indifférente à Rohff et Jennifer Lopez. À 18 ans, je trouvai des alliés pour me convaincre que je n’avais pas « des goûts de vieux ». Avec leur appui, le super logiciel Soulseek et de nombreuses nuits passées sur YouTube, j’ai découvert tout à coup ce qui allait changer ma vie : le punk, le post-punk, le kraut, le glam…
Avant 20 ans, tout cela ne semblait appartenir qu’à moi et à une poignée de copains. À presque 30 ans, parler de Michael Rother en soirée est devenu d’un ordinaire presque révoltant. Serais-je donc comme tout le monde ?
Je nourris une pensée admirative pour ceux qui confiaient qu’à la maison, « on n’écoutait pas de musique ». Ceux qui se sont faits tout seuls. Certains sont devenus de fins connaisseurs de musique électronique contemporaine, de trap, de rap français. Pour moi c’est le camp d’en face, mais ils m’accueillent régulièrement dans leur paroisse. Les découvertes sont infinies, et ça ne me dérange pas de courir après le présent.