Live
Sabine Happard
La Souterraine
en partenariat avec STRN

Sabine Happard, mélo-dique

Sabine Happard publie vendredi 13 novembre "Live", un EP de chansons originales dans le plus simple appareil, sombre et sensible.

La jeune auteure-compositrice-interprète nous laissait coi il y a tout juste un an avec ses reprises de l’artiste Jean-Luc Le Ténia, inconnu pour beaucoup, « seul représentant de l’anti-folk » en France pour les initiés comme Didier Wampas. Sabine Happard s’appropriait ses élucubrations sur l’art ou son aversion pour une « connasse qui ne pense qu’à la décoration ». L’humour grinçant du chanteur lui allait comme un gant. Comme sa sensibilité d’ailleurs, quand elle chantait sa maladresse à l’égard des femmes trop belles pour lui ou ses pensées suicidaires. L’artiste démontrait toute l’étendue de ses sentiments, versatiles. Il nous tardait de découvrir la matière brute de Sabine Happard, son matériel original, qui s’annonçait tout en nuances, à l’image de son premier single en clair-obscur Deux chansons de Sabine Happard, chroniquant ses amours, avec ou sans kleenex, aplomb ou fragilité.

Live, son premier EP, n’est pas en demi-teinte et s’enfonce très clairement du côté de la mélancolie. Le premier extrait, Le désastre des eaux claires, est un hommage au chanteur Christophe. Nul doute que ce grand amateur de nouvelles voix a su remarquer celle de Sabine Happard, qui lui écrit ce titre après leur rencontre autour d’un couscous à Ménilmontant. Il n’est pas seul. On entendra Sabine Happard sur le prochain album du groupe La Femme, à paraître début 2021. Mais revenons à sa voix, en particulier sur ce titre, Les désastre des eaux claires, où elle s’aventure vers des aigus, déchirants, à la Mylène Farmer, pour conter la rencontre brûlante de deux amants.

« Mon cœur est un vautour/Qui flanche de mille façons/Toi, tu mords au point du jour/Si fort, à la déraison », chante-t-elle sur des lignes de synthés troubles. Ailleurs le piano prend le lead. Elève du Conservatoire dès l’âge de 8 ans, Sabine Happard fait le choix de l’épure, de la sobriété, que rien ne saurait troubler, même une contrebasse ou une guitare, aux rythmes sourds.

Photo de Geoffroy Bouillanne

La Française chante l’amour qui s’abîme (Mardi), les blessures qui restent après une rupture (Les stigmates de l’amour), la confusion des sentiments (Réel flou), l’abandon de soi (Pile mauve), l’impermanence des choses (Voyageur temporel), le cœur lourd, avec une narration sophistiquée, couchée sous le bleu des néons d’une nuit sans sommeil, pendant que la pluie tombe au dehors, réfléchissant la lumière sur l’asphalte. C’est l’impression que ça donne. La façon dont Sabine Happard est venue à la musique est romantique. Ou est-ce le récit d’un bon storytelling ? Peu importe, la symbolique est trop belle. Elle aurait composé ses premiers morceaux, réunis sous le titre Jungles (début 2019), au hasard d’une rencontre avec la poésie de Ronsard ou plutôt un recueil de ses poèmes trouvé au hasard d’une déambulation qu’on imagine (là encore) nocturne et mise en musique. Sur Live, sa plume court sur des lignes ingénues, souvent mélo, avec la dramaturgie d’une Françoise Hardy. Sabine Happard semble elle aussi avoir trouvé sa voie du côté des belles mélodies qui ne sont pas gaies.

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