Le Pitchfork Festival étrennait une nouvelle formule en 2021. Notre journaliste Martin Cadoret raconte ses sauts de puce entre différentes affiches du Festival Avant-Garde.
Vendredi soir, Paris Pitchfork Festival nouvelle formule, on pousse la porte du Pop Up du label, une petite salle à proximité de la gare de Lyon, à Paris, qui a pour elle l’intimité de sa petite taille, qui conviendra parfaitement à Kai Kwasi. Belle découverte que le RnB suave de ce jeune londonien de 21 ans, qui a mis à profit le confinement, nous dit-il, pour composer les chansons qu’il nous présente ce soir, avec ses trois musiciens, tous en bleu de travail maculé de tâches de peintures.
Une basse, un clavier et un saxophone, pour prouver que parfois la musique peut groover sans batterie ni boîte à rythme. La voix et l’ambiance posée par le jeune compositeur évoque un Frank Ocean avec des sonorités plus jazz et bossa nova. Appliqué sans trop se prendre au sérieux, un concert qui fait l’effet d’une petite friandise sucrée idéale pour commencer la soirée.
Une vingtaine de minutes plus tard, une femme en cape, avec un micro oreillette façon pop-star investit la scène et s’agite sur une longue introduction de musique classique. Etrange, mais le dévouement quasi mystique de Sloppy Jane laisse deviner un univers bien pensé. La magie infuse après deux, trois chansons, pour une performance furieuse à mi-chemin entre glam-rock, country et punk.
On est porté par les incantations de son groupe presque uniquement féminin. Lâchant la cape pour un body, pleurant des larmes noires et s’invitant dans le public, la scène du Popup était clairement trop petite pour les ambitions de l’Américaine Haley Dahl et son show entre incantations magiques, cabaret freak et prières de sorcières.
Déception en revanche, en quittant le Pop-up du Label, de ne pas pouvoir entrer dans le Supersonic pour le concert très attendu des Américaines de Wet Leg. Ce sont les limites du nouveau format du festival, qui impose de refaire la queue en changeant de salle. On se rabat au Supersonic Records, le magasin de disque à côté, sur les derniers accords de NewDad, sympathique pop-rock adolescente qui colle aux oreilles quelques jours après notamment avec son excellent titre Ladybird, à mi-chemin entre Phoebe Bridgers et les Pixies.
Retour au Popup du Label pour Joviale, mais sa pop vaporeuse, à près de 23 heures, aura eu du mal à soulever la foule, très compacte pour ce tout dernier concert du vendredi.
Retour sur les lieux du crime le lendemain, dans une nouvelle salle, le Café de la danse. Manque de bol, les Rouennais d’Unschooling ont dû annuler pour une raison non communiquée par le festival. Pas de rock garage donc, mais la pop très (trop ?) éthérée d’Elliott Armen.
Le Breton, couché à 7 heures du matin, grisé par son concert de la veille, a donc été rappelé pour ambiancer l’une des plus grandes salles du festival. Inspiré par Sufjan Stevens ou Elliott Smith, le compositeur de 22 ans, seul en scène, ne démérite pas, mais une partie du public n’était pas forcément au courant du changement de programme.
20H30, le gros morceau du festival, Faux Real, est clairement très attendu par le public qui rentre en nombre dans la salle aux premières notes du concert. Déception pour commencer, c’est une bande son en playback qui accompagne les frères franco-américains Virgile et Elliott Arndt – mais la présence scénique des deux garçons attrape vite l’adhésion de la foule.
Des chorégraphies déjantées, des morceaux imparables – un tube potentiel, United Snakes of America, et tout le public le bras en l’air en force de serpent, des incursions au saxo ou à la flûte traversière, Faux Real s’impose comme la sensation de ce Pitchfork.
Leur univers entre post-punk et glam rock, qui évoque la bizarrerie de Jonathan Bree, est parfaitement restitué dans le concert – jusqu’à un final délirant, leur imparable tube Kindred Spirit, une danse effrénée au milieu de la foule, qui obtiendra l’adhésion même des plus frileux au style musical du duo.
Direction le Badaboum. La salle, format boîte de nuit, accueille ENNY, sensation du rap londonien. Là aussi, pas de groupe mais une bande son pour accompagner l’Anglaise, ce qui donne au concert des airs de showcase de luxe.
Dommage, car son style musical en proximité avec Jorja Smith (qui l’accompagne sur son tube Peng Black Girls) aurait pu donner lieu à une prestation encore plus organique. Clairement à son aise sur la scène du Badaboum, la rappeuse n’aura pas de mal à faire chanter à peu près n’importe quoi à la foule – qui reprend en coeur “Same Old”. Un bon concert rap pour boucler une programmation éclectique.