Photo Marion Bornaz

Les Trans Musicales 2021 en trois claques rock’n’roll

Au milieu d'une programmation éclectique, l'édition 2021 des Trans Musicales de Rennes a offert au vieux rock une cure de jouvence.

Du mercredi 1er au dimanche 5 décembre dernier se tenait la 43e édition des Trans Musicales de Rennes, le festival dénicheur des talents de demain et berceau de moments historiques comme l’un des premiers concerts français de Nirvana en 1991, l’apparition des Daft Punk sans masques en 1995, et le premier concert de James Murphy sous le nom de LCD Soundsystem en 2002, pour ne citer que ceux-là. Les chanceux qui y vont le savent : on passe de l’électro, au flamenco, à la cumbia puis au trip-hop de salle en salle, et ce qu’ils vont y découvrir n’est encore connu que de peu de personnes. Cette année, dans notre parcours, trois groupes nous ont fait dire que l’avenir du rock était encore bien radieux. 

Lalalar : electro psyché turque 

Vendredi 3h30. Dans le noir complet, trois personnes entrent sur la scène du Hall 8 pour un concert qui allait faire oublier à tous l’annulation d’Amyl and the Sniffers, groupe punk de Melbourne très attendu, prévu juste avant sur la même scène. Un chanteur, un guitariste et puis un autre aux machines, apparaissent sous de fins halos de lumières. La tension dans la salle est palpable à cette heure tardive. Les gens s’interrogent : “c’est à qui ?”. La programmation indique trois syllabes : Lalalar. Un horaire parfait pour l’intensité de la musique électronique et psychédélique de ce trio d’Istanbul fondé en 2018. Si le trio partage l’amour du rock anatolien avec Altin Gün et Derya Yildirim & Grup Simsek, signés comme eux sur le label suisse Bongo Joe, leur style avoisine aussi celui de KVB ou Vox Low. Une mixture des plus rares et réussies de post-punk, d’indus, de basses anguleuses, de nappes électroniques rugueuses, de solos de fuzz abrasifs, de chants turcs envoûtants, habités, et de mélodies orientales. Le tout manœuvré brillamment d’une attitude nihiliste et d’une certaine hardiesse. La foule grisée s’abandonne aux pogos et les mains s’agitent avec grâce. Y a-t-il une meilleure manière de finir une première soirée aux Trans Musicales ? 

Voice Of Baceprot : metal indonésien (et si courageux)

Représentatif de la diversité du line up du festival : Voice Of Baceprot, du metal. Contrairement au Hellfest où moins d’1 % des groupes comptent des femmes dans leurs rangs, les Trans Musicales ont choisi pour représenter ce style musical une formation efficace et minimaliste de trois adolescentes à la basse, guitare et batterie. Celles-ci ont proposé un set composé autant de reprises que de compositions engagées. L’envie de ne pas évoquer leur jeune âge ou leur apparence (elles marient hijab et perfecto en cuir) nous saisit, tant la couverture médiatique qu’elles reçoivent repose sur ces éléments. Mais ce serait passer à côté de l’unicité, de la force et du courage de ces femmes que de ne pas le préciser. Elles interrompent d’ailleurs leur concert pour pousser un coup de gueule : lors des interviews qu’elles ont données dans la journée, les journalistes ont tous posé une question concernant leur hijab. Ce qu’il faut retenir c’est que l’amour du heavy metal prend le dessus sur le danger que représente une telle activité de leur part dans leur Indonésie natale, car les menaces de morts et les agressions physiques se multiplient depuis qu’elles ont commencé le groupe. Cela ne les empêche pas de continuer, ce qui rend leur présence pour cette première date en France spéciale. On se souviendra longtemps de leur énergie, de leur enthousiasme et surtout de ce bon vieux public complètement déchaîné. Des islamo-gauchistes, sûrement.

Komodrag and the Mounodor : United states of Armorica

Samedi 2h15. Sept personnes sont sur scène pour ce qui s’annonce être un joyeux bordel made in Paimpol et Douarnenez, des villes voisines. Sont conviés à cette grande fête les fantômes du heavy rock, ceux des hippies ainsi que Dionysos et sans doute Satan. Komodor s’associe à Moundrag, deux projets pour un supergroupe qui assure près d’1h30 (avec un rappel, chose assez rare aux Trans pour être noté !) d’un concert barge qui donne l’impression d’un retour en arrière à l’âge d’or du rock psychédélique. D’ailleurs rien sur scène n’est neuf, des instruments aux pattes d’éléphants, le vintage est de mise. Des cheveux longs, deux batteries, des pogos pour un public particulièrement réceptif et des riffs saturés font le slogan de ce groupe qui prône le “united states of Armorica” (!). On se dit que ça devait un peu ressembler à ça d’aller à un concert de Led Zeppelin en 1970. Amen. Ce sera donc notre palme d’or du week-end parmi la vingtaine de concerts vus lors de cette 43e édition.  

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