Pixies, "Doolittle" (1989), label : 4AD
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Pixies, “Doolittle” (1989), label : 4AD

Bonnes feuilles : l’histoire de 4AD par Martin Aston

Magic vous propose en avant-première et en exclusivité les bonnes feuilles du livre-somme "À contre-courant - L’Épopée du label 4AD", dont la traduction arrive dans les librairies le 22 septembre.

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Ceci est la reproduction de la colonne «For-Ey-Dee, le disquaire m’a expliqué que c’était le nom d’un label anglais étonnant» parue dans l’hebdo pop moderne n°26.

Extrait du chapitre XIII, «1989. De la beauté du bruit»

Elektra aida Doolittle à entrer (de justesse) dans le Billboard Hot 100 et les deux singles Monkey Gone To Heaven et Here Comes Your Man atteignirent respectivement la cinquième et troisième place dans le Billboard’s Modern Rock. L’irrésistible élan autour des Pixies semblait en marche. Doolittle n’était pas seulement un vaisseau amiral pour les Pixies, mais aussi pour 4AD tout entier car le groupe représentait en soi une nouvelle tendance, donnant au label une image moins étroite. Au-delà des marchés (déjà convertis) d’Amérique du Nord et d’Europe, des hordes de fans continuèrent à vouer un véritable culte aux groupes du label au Japon et en Amérique du Sud.

«Dans les années 1980, dit l’écrivain colombien José Enrique Plata Manjarrés, les disques 4AD étaient si rares et si chers. Nous les traitions comme des choses précieuses. Un jour, j’ai vu une promo pour un groupe appelé Pixies, la couverture montrait un petit singe sur fond orange. C’était intéressant – un disque appelé Doolittle, comme le docteur qui parlait aux animaux. Le type du magasin a dit qu’ils venaient de le recevoir et que, de plus, ça venait de “For-Ey-Dee”. Je n’ai pas compris et il m’a expliqué que c’était le nom d’un label anglais étonnant. Les disques étaient chers mais les gens les achetaient – Cocteau Twins, Dead Can Dance et d’autres que le magasin avait reçu. Mais ils n’en vendaient pas tant que ça, car tout le monde ne les aimait pas. Blue Bell Knoll de Cocteau Twins a été le premier pour moi. C’était comme entendre un ange chanter, j’ai immédiatement attrapé le virus. “For-Ey-Dee” avait du sens pour moi dès cet instant.»

Martin Ashton - À contre-courant - L'Épopée de 4AD

Et Manjarrés de poursuivre : «4AD, c’est comme un puzzle qui s’est assemblé dans mon cerveau à chaque nouveau disque. Chaque pièce du puzzle étant à la fois originale et parfaitement reconnaissable, une pure essence mais une réalité incertaine. Il n’y avait pas d’Internet pour me guider, alors j’ai dû construire mon puzzle avec les pièces au fur et à mesure qu’elles m’arrivaient, sans image de l’ensemble. La cohérence sonore du label n’était pas fondée sur les styles des groupes, mais plutôt sur le travail et les efforts encadrés par un goût très sûr. Et ce goût, c’est Ivo[1] qui l’avait. Mais il voulait aussi un design remarquable, et de cette manière, la musique entrait par vos yeux tandis que les images entraient par vos oreilles. C’est comme cela que j’ai commencé à comprendre la logique de 4AD.»

Bien sûr, il y avait toujours matière à s’extasier devant les nouveautés sorties par le label. Cependant, le risque subsistait que des mésententes internes finissent par gâter le travail au long cours. Et à cet égard, la seule chose qui pouvait faire dérailler les Pixies de leur irrésistible parcours, c’était le groupe lui-même.

Deborah Edgely avait réussi à cacher la nouvelle à la presse, mais ce n’était un secret pour personne dans l’entourage du groupe que Charles Thompson [nom civil de Black Francis, ndlr] et Kim Deal s’étaient disputés au cours de la tournée européenne des Pixies/Muses, une tournée en apparence triomphale. Edgely se souvient des Pixies dans le bus de la tournée, ils revenaient sur Londres et la petite amie de Charles avait fait une surprise en se joignant au groupe. L’atmosphère était glaciale. À l’occasion de la sortie de Doolittle, il n’y avait pas eu de dégel et bien que Gigantic fût un morceau-phare de Surfer Rosa, Doolittle ne comprenait aucun morceau où Deal chantait.

Thompson était-il simplement jaloux de sa partenaire ? Le problème était peut-être que la chanson la plus populaire des Pixies était perçue comme une chanson de Deal – les crédits sur Surfer Rosa en témoignaient. Kurt Cobain, fan des Pixies devant l’éternel, l’a dit plus tard : «J’aimerais que Kim soit autorisée à écrire plus de chansons pour les Pixies, parce que Gigantic est la meilleure chanson des Pixies et c’est Kim qui l’a écrite.» Mais ce n’était pas tout à fait vrai : «J’ai écrit les accords, suggéré le titre Gigantic, Kim a fait les paroles et la mélodie», explique Thompson. «En tout cas, c’est ce dont je me souviens.»

Martin Aston
À contre-courant – L’Épopée du label 4AD
Traduit de l’anglais par Éric Tavernier
Parution le 22 septembre aux Éditions Allia, 832 pages | 30 €

[1] Ivo Watts-Russell, cofondateur du label

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