LONNY - portrait Shanti Masud (1)
© Shanti Masud

Entretien avec Lonny avant une tournée d'automne en France et une date à La Cigale à Paris ce 27 septembre.

Avant une tournée de douze dates en France en octobre et novembre, Lonny sera sur la scène de La Cigale à Paris ce mardi 27 septembre. La chanteuse française, autrice d’un remarquable Ex-voto paru en janvier (voir Magic n°223) s’est livrée sur son rapport à la scène cet été à La Rochelle en marge des Francofolies.

Lors de ton concert aux Francofolies de la Rochelle, tu as dit être arrivée au Chantier des Francos en 2020, pétrifiée à l’idée de monter sur scène. Je t’ai pourtant trouvée pleine d’assurance. 

Oui, j’ai trouvé une forme de sérénité en trois ans. En février 2020, j’étais pétrifiée de livrer des chansons aussi intimes sur scène. C’était aussi la première fois que je chantais en français, je ne savais pas occuper la scène, j’étais morte de trouille et surtout je n’y croyais pas… Aujourd’hui, je ne vais pas te dire que je suis Madonna sur scène, j’ai toujours des peurs et des malaises, mais j’essaie de les transcender… À La Rochelle, j’ai donné tout ce que je pouvais pour surmonter tout ça et j’étais très émue, parce que c’est aussi la fin d’une histoire avec ce dispositif du Chantier. J’ai eu l’impression de proposer quelque chose, ma musique folk, qui est dans une modernité étrange.

© Facebook @lonnymusique

Ta prestation était à la fois beaucoup plus électrique et dépouillée. Est-ce lié aux musiciens qui t’accompagnent ? 

C’est surtout une volonté de ne pas faire la même chose que le disque. De, presque, faire l’inverse. Par exemple, le titre Le Goût de l’orge a été travaillé sur le disque avec la volonté d’en faire un titre assez pop. En concert, je lui donne quelque chose de plus doucereux, parce que je ne supporte pas les concerts qui sont la reproduction du disque. Je veux avoir une expérience très différente.

Lorsque vous êtes arrivés sur la scène, toi et tes musiciens étiez très proches les uns des autres, resserrés comme une petite tribu. Cette proximité avec eux te sécurise ? 

C’est quelque chose qui est venu comme ça. On n’a aucune scénographie, pas de costumes, pas d’ingé light, on n’a rien… On y va comme ça avec nos corps et notre musique… Le mouvement de nos corps est la seule scénographie qu’on propose. On ne l’écrit pas, on la vit. On se fait des câlins avant d’entrer sur scène, on se masse. On est un peu obligés de connecter nos corps. On crée notre groove à trois avec la boîte à rythmes qui nous accompagne. Moi et mon corps, c’est assez difficile… Je crois que ça le sera toujours. C’est compliqué. J’adorerais valser, tourbillonner comme Emily Loizeau. Un jour peut-être…

On y va comme ça avec nos corps et notre musique… Le mouvement de nos corps est la seule scénographie qu’on propose.

Lonny

Au concert d’Emily Loizeau qui était juste après le tien, tu étais émue aux larmes.

Oui c’est quelqu’un que j’admire beaucoup. Je tenais absolument à la voir. Dès mon concert terminé, j’ai filé dans les gradins. C’est ce qu’elle met de personnel dans ses chansons qui me touche, Il y avait quelque chose entre elle et ses musiciens (Sacha Toorop à la batterie) de très émouvant. Ça prenait son temps, je la trouvais vraie, très juste dans son corps, dans sa voix avec beaucoup de dignité. J’ai craqué en l’entendant interpréter Icare, quand elle parle de se brûler les ailes, d’aller se brûler à la lumière. Ça m’a renvoyée à notre société pleine d’égo… J’ai trouvé ça délicat et puissant à la fois… J’aime son engagement, sa façon de dire des choses fortes toujours avec beaucoup d’élégance. J’avais honte de pleurer comme ça… Je suis partie avant la fin pour pas qu’on me voit.

Emily a passé beaucoup de temps à présenter tous ces musiciens au public alors que toi tu as dit : «Je ne vous les présente pas car ils détestent ça».

Oui mais c’est la réalité ! Ils détestent que je parle d’eux. J’adorerais me mettre à genoux devant mes musiciens, comme Leonard Cohen. Je crois que c’est dans son Live in London : il se prosterne devant ses musiciens pendant plusieurs minutes… Alexandre Bourrit, mon guitariste, qui a une petite carrière maintenant, ne veut être connu que par le prisme musical, rien d’autre… Il a un problème avec les icônes. Quand je mets trop de temps à le présenter, il me dit : «Mais arrête !». Marie (Lalonde), ma bassiste, a un peu moins de difficulté avec ça même si elle est assez timide. Donc j’essaie de faire passer tout l’amour que j’ai pour eux en très peu de temps !

Si on pense à une famille, en papa ou en oncle, je mettrais Dominique A. Et Claire days en sœur.

Lonny

Concernant la scène folk française, te sens-tu faire partie d’un collectif, d’un clan, d’une famille, d’une tribu ? 

Lonny : Oui, je me sens proche d’Alma Forrer. Si on pense à une famille, en papa ou en oncle, je mettrais Dominique A. Et Claire days en soeur. Il y a aussi Baptiste W. Hamon que j’ai accompagné pendant deux ans sur scène. J’étais sa violoniste et son organiste. On vient de faire un duo sur son concert à La Rochelle. On est très proches avec Baptiste. C’est comme un grand frère. C’est lui qui m’a dit : «Elles sont bonnes tes chansons, fais-les en français».

LONNY, portrait par Frédérique Bérubé
© Frédérique Bérubé

Pourquoi ce passage de l’anglais au français d’ailleurs ? 

J’ai fait deux EP en anglais. Au début de ma vie artistique, j’ai choisi l’anglais un peu par imitation et par esthétisme aussi. Avant de trouver un vrai geste artistique, que je recherche peut-être encore… Au début, je pense que tu imites plutôt que de prendre des risques. Tu veux faire comme… Vu que j’écoutais Dylan, Joni Mitchell et Cohen, eh bien je voulais faire comme eux. À un moment je me suis confrontée à une limite plus spirituelle et philosophique de me dire que tous ces gens-là me bouleversent parce qu’ils sont vrais, parce qu’ils sont sur ce chemin d’alignement. Je me suis donc mis en route vers quelque chose de plus sincère… C’est à ce moment aussi que j’ai rencontré Baptiste W. Hamon et où on a eu des milliards de discussion ensemble. 

Tu disais tout à l’heure ne pas avoir confiance en toi. Sur scène, j’ai ressenti de mon côté de la sagesse, une interprétation sereine de ces textes très travaillés. 

Je ne parlerais pas vraiment de manque de confiance, c’est plutôt que je me sens encore vulnérable, mais je pense que c’est une bonne chose. C’est normal de se sentir vulnérable lorsqu’on fait des chansons très intimes non ? 

Je suis contente parce que j’ai le sentiment que j’ai trouvé ces personnes qui peuvent me dire si je suis vraie ou si je me plante complètement.

Lonny

Les artistes folk se renouvellent en général au fil des disques. Cohen s’est emparé du synthé avec plus ou moins de réussite, Kurt Wagner du vocoder.  Penses-tu déjà à la suite ? 

Avant même de prendre des décisions esthétiques, pour le coup j’aimerais essayer de trouver la suite en transcendant quelque chose de nouveau philosophiquement, d’essayer d’écrire avec plus de joie, de sérénité. Car tous ces chagrins que j’ai essayé de quitter en écrivant ce disque, qui m’a servi à me situer, me posent aussi la question de l’engagement. Je ne sais pas encore où je vais. C’est une question juste vertigineuse…

On a l’impression que la musique n’est pas du tout un acte solitaire mais au contraire que beaucoup de personnes gravitent autour de toi. 

Effectivement. Enfin, pas tout à fait. L’écriture, c’est une extrême solitude. Mais j’ai besoin de savoir aujourd’hui si je suis juste ou pas artistiquement. Je suis contente parce que j’ai le sentiment que j’ai trouvé ces personnes qui peuvent me dire si je suis vraie ou si je me plante complètement. Baptiste en fait partie. Je lui envoie toutes mes chansons. Mais j’ai envie d’être plus autonome aussi. Je vais réaliser un disque pour d’autres personnes prochainement. J’ai cette envie d’apprendre à réaliser et d’être autonome en direction artistique.

Lonny aux Francofolies de La Rochelle, 2022

Est-ce que tu peux déjà dresser un bilan de ton premier album Ex-voto ? A-t-il déjà bien vécu ? 

Il a énormément vécu. Beaucoup plus que je ne pensais…J’ai l’impression qu’il a été apprécié à sa juste valeur, qu’il a trouvé le cœur de ceux qu’il fallait qu’il trouve. J’ai eu une impression de justesse avec cette sortie. C’est très agréable… On avait peur pourtant. Il est sorti en janvier en plein Covid. À la base, il devait sortir six mois plus tôt mais j’ai aimé l’idée de le sortir en plein hiver… Il est en bon chemin. J’espère qu’il n’aura pas de fin… J’ai mis un an à l’écrire, six mois à le produire. Le premier album, vous donnez beaucoup de vous… «Grâce» au Covid, j’ai pu prendre le temps de travailler le graphisme, la pochette, les clips, réfléchir à qui je devais solliciter, lui dessiner une petite constellation. J’ai adoré faire ça.

Te sens-tu une artiste accomplie maintenant ? 

Je me sens effectivement moins élève aujourd’hui. Je l’ai été pendant trois ans et ça c’était difficile… Je propose ma musique. Est-ce que ça plaît, est-ce que ça ne plaît pas ? Ce n’est pas mon problème. Je fais des premières parties. Je sais que les gens ne sont pas venus pour moi. Ça peut être complètement flippant mais j’ai tendance à me dire que je n’attends rien. Ce qui m’importe c’est de faire de la musique. Que je sois reconnue en tant que chanteuse, c’est super. Si je dois accompagner quelqu’un pour faire de la musique, c’est super aussi. Je suis dans une forme de contentement avec ça. Du moment où je fais de la musique qui me semble juste et belle. C’est sympa, c’est vrai d’être invitée à pas mal d’endroits, ou d’être interviewée par Magic, l’un de mes magazines préférés…

Réservations sur le site de La Cigale

Remerciements : Mademoiselle Du Genêt.

Lonny aux Francofolies de La Rochelle, 2022

Un autre long format ?