Mimi Parker, voix, percussions et âme du trio américain Low, vient de mourir à 54 ans d’un cancer des ovaires. Hommage de Pierre Lemarchand.
«Un croisement improbable entre Simon & Garfunkel et Joy Division», avait tenté le chanteur et guitariste Alan Sparhawk pour décrire la musique de Low au mitan des années 90, quand le groupe n’avait encore que quelques années d’existence. Et c’était plutôt bien trouvé : le rayonnement mélodique du chant et ses halos d’harmonies baignaient des reliefs de ruine, mangés de ténèbres, couverts de cendre – errance d’une guitare, plomb de la basse, compte à rebours de la batterie. Low était déjà, et le demeurerait jusqu’à la fin, l’œuvre d’un couple : Sparhawk, donc, et son épouse Mimi Parker, qui s’étaient rencontrés jeunes encore, dans la ville dylanienne de Duluth, Minnesota. La fin est survenue le 5 novembre, et annoncée par Alan : Mimi est décédée, succombant à un cancer contre lequel elle livrait bataille depuis deux ans.
Depuis trente années environ, la musique de Low recouvrait le paysage musical de sa brume électrique, le minait de ses trouées de silence, l’accidentait de ses lentes ascensions, le nimbait de ses rêves d’altitude. La musique, pour Mimi Parker et Alan Sparhawk, a toujours été affaire sérieuse, quête céleste autant qu’exploration sans concession de l’âme humaine – dans ses tréfonds se nichaient d’insoupçonnées lumières, nous apprirent-ils. Durant tout ce temps, le groupe a évolué dans des parages limites – ceux de la transe, nourrie des pouvoirs magiques de la répétition et de la pulsation, embrassant en un même élan frémissements et explosions sonores – sans jamais perdre de vue, dans les nuits d’encre de leurs chansons, les fanaux mélodiques.
Quel majestueux et tendre vaisseau que Low qui, loin des courants fugaces qui agitèrent le rock indépendant des dernières décennies et en firent et défirent les modes, traça la courbe lente et élémentaire d’un sillage que nul autre n’emprunta, une écume devenue familière et recelant surprises et métamorphoses, indispensable à ceux qui y trouvèrent matière à rêver. Des tempos lents sondés par Low, la batterie de Mimi Parker était le cœur régulier, mais un cœur aux aguets, prêt à s’emballer. Sa silhouette, debout derrière sa batterie minimale (une caisse claire, un tom, des cymbales parfois, un balai, une mailloche), épousait la verticalité légère du pied de micro dans lequel elle se faisait souvent choreute, parfois détachait des nuages de mélodies hautes. Son corps, tendu, semblait alors s’élever tandis que décollaient au ralenti les chansons en fragile équilibre du groupe de sa vie, Low. Quinze albums réalisés entre 1994 et 2021 (de I Could Live in Hope à HEY WHAT) et témoignant de ce chant irréel, des ces altitudes frôlées et de ce pouls profond, nous permettront de nous souvenir toujours de Mimi Parker.