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© Benoît Peverelli

Françoise Hardy : “Du temps pour ma vie personnelle”

Fin 2022, Magic publiait dans son n°225 une enquête sur la vie d'artiste envisagée sans la scène. Notre journaliste Alexandra Dumont avait alors rencontré Françoise Hardy pour ce qui serait l'une de ses dernières interviews. La chanteuse, disparue ce mardi 11 juin à 80 ans, nous avait livré un précieux témoignage sur son rapport contrarié à la performance live et son choix précoce de s'en passer. Le voici.

Déplaisir. «Les tournées étaient terriblement ennuyeuses. Les rapports avec les musiciens étaient distants – j’étais bien plus jeune qu’eux – et après le spectacle, je rentrais tristement dans ma chambre d’hôtel quand eux allaient s’amuser. Je pleurais tout le temps car mon “fiancé” d’alors était loin et les communications téléphoniques étaient difficiles et parfois impossibles. Ce qui m’intéressait, c’était d’enregistrer des disques avec de bonnes chansons. J’ai fait des tournées en 1963, 1965… Quand j’arrivais à m’abstraire du public pour mieux mettre tout mon cœur dans mes chansons, qui en général expriment mon vécu, j’avais l’impression d’avoir été “bonne” mais je n’éprouvais pas de joie, j’étais juste soulagée d’avoir réussi à m’exprimer de mon mieux.»

Quand j’arrivais à m’abstraire du public pour mieux mettre tout mon cœur dans mes chansons, qui en général expriment mon vécu, j’avais l’impression d’avoir été “bonne” mais je n’éprouvais pas de joie, j’étais juste soulagée d’avoir réussi à m’exprimer de mon mieux

Au-delà des limites. «Au début d’une tournée, j’avais le trac, peur d’un trou de mémoire, de chanter mal, pas en mesure, ou de je ne sais quoi d’autre, mais au bout de quelques jours, ça s’estompait. C’était une époque bénie où les chansons étaient brèves et où les tours de chant ne duraient pas trop longtemps. J’ai une petite voix et je m’enroue très facilement. Je suis aussi trop statique et depuis toujours beaucoup trop émotive. Tout bêtement, je n’étais pas faite pour la scène. En revanche, j’étais faite pour les émissions de télévision, car j’avais pas mal de “présence”. Je reconnais que quand ma voix était portée par une belle orchestration, elle avait une identité bien à elle, ce qui est très important. J’ai arrêté la scène en 1968, puis les émissions de télé des décennies plus tard. J’en avais assez d’être dans des situations qui ressemblaient à la scène.»

En revanche, j’étais faite pour les émissions de télévision, car j’avais pas mal de “présence”

Crève-cœur.«En 1968, ma relation avec Jacques (Dutronc) venait de commencer et je ne voulais pas revivre ce que j’avais vécu avec Jean-Marie (Périer) qui voyageait beaucoup pour son travail comme moi pour le mien. De toute façon, je suis sédentaire et la vie de nomade ne me convient pas. Une tournée, c’est une réalité difficile avec ses bons et ses mauvais côtés. Beaucoup d’artistes ne peuvent s’en passer, entre autres mon fils [le chanteur de variétés Thomas Dutronc, ndlr] qui est formidable sur scène. Moi je suis heureuse de m’en passer car ça me laisse davantage de temps pour ma vie personnelle ainsi que pour mes activités. Je n’aurais pas eu le temps de m’intéresser à l’astrologie non traditionnelle, autrement dit réaliste et cohérente, si j’avais été une artiste de scène.»