Voici le classement des meilleurs albums de l'année selon Magic, avec les albums classés de la 50e à la 1re place.
50. GODSPEED YOU! BLACK EMPEROR – NO TITLE AS OF 13 FEBRUARY 2024, 28,340 DEAD (CONSTELLATIONS)
49. CLAIRO – Charm (CLAIRO RECORDS)
48. RIDE – Interplay (WICHITA RECORDINGS / PIAS)
47. NICK CAVE & THE BAD SEEDS – Wild God (PIAS)
46. HA THE UNCLEAR – A Kingdom in a Cul-de-Sac (THINK ZIK! / VIRGIN MUSIC)
45. MANNEQUIN PUSSY – I Got Heaven (EPITAPH)
44. FAT DOG – WOOF (DOMINO RECORDINGS)
43. KOKI NAKANO – Ululō (NO FORMAT)
42. WARHAUS – Karaoke Moon (PIAS)
41. CHRIS COHEN – Paint a Room (HARDLY ART)
40. FAT WHITE FAMILY – Forgiveness Is Yours (DOMINO RECORDINGS)
39. CARIBOU – Honey (CITY SLANG)
38. CRACK CLOUD – Red Mile (JAGJAGUWAR / MODULOR)
37. EL PERRO DEL MAR – Big Anonymous (CITY SLANG)
36. GEORDIE GREEP – The New Sound (ROUGH TRADE)
35. PENNY ARCADE – Backwater Collage (TAPETE RECORDS)
34. BILLIE EILISH – HIT ME HARD AND SOFT (DARKROOM / INTERSCOPE RECORDS)
33. THE SMILE – Cutouts (XL RECORDINGS)
32. MJ LENDERMAN – Manning Fireworks (ANTI)
31. JUSTICE – Hyperdrama (ED BANGER RECORDS / BECAUSE MUSIC)
30. EGGS – Crafted Achievement (HOWLIN BANANA)
29. THE CURE – Songs of a Lost World (POLYDOR)
28. MGMT – Loss of Life (MOM + POP MUSIC)
27. JESSICA PRATT – Here in the Pitch (CITY SLANG)
26. THE SMILE – Wall of Eyes (XL RECORDINGS)
25. UTO – When all you want to do is be the fire part of fire (INFINÉ)
24. MAGDALENA BAY – Imaginal Disk (MOM + POP)
23. VAMPIRE WEEKEND – Only God Was Above Us (COLUMBIA RECORDS / SONY MUSIC)
22. TINDERSTICKS – Soft Tissue (CITY SLANG)
21. BILL RYDER-JONES – Iechyd Da (DOMINO RECORDS)
20. TYLER, THE CREATOR – CHROMAKOPIA (COLUMBIA RECORDS / SONY MUSIC)
19. SINAÏVE – Pop moderne (ANTIMATIÈRE / SUPER STRUCTURE)
17. MEMORIALS – Memorial Waterslides (FIRE RECORDS)
16. NOGA EREZ – The Vandalist (WEA / ATLANTIC)
15. MUSTANG – Megaphenix (VIETNAM / WAGRAM / LABRÉA)
14. ADRIANNE LENKER – Bright Future (4AD)
13. JPEGMAFIA – I LAY DOWN MY LIFE FOR YOU (PEGGY / AWAL)
12. JULIA HOLTER – Something in the Room She Moves (DOMINO RECORDS)
11. GWENDOLINE – C’est à moi ça (BORN BAD RECORDS)
10. LAURA MARLING – Patterns in Repeat (PARTISAN RECORDS)
[EXTRAIT] Chaque titre du disque recèle cette tension entre un chant et une guitare – ou un piano – qui se découvrent dans l’incertitude de l’instant et les arrangements qui s’organisent patiemment autour et les soulignent, les soutiennent. Cette tension résulte des conditions de réalisation de son album qu’a souhaitées Laura Marling. L’ossature, le tissu organique des chansons ont été captés dans son home studio, entre deux siestes de son enfant, dans son berceau à portée de main ou contre son ventre même ; dans ces parenthèses qui s’offraient à Laura et dont il lui fallait se saisir inconditionnellement a jailli le cœur des morceaux.
09. VERA SOLA – Peacemaker (CITY SLANG)
[EXTRAIT] Peacemaker est construit comme ces concerts pensés pour abolir le temps : une déferlante d’énergie irrésistible dans la première moitié (dont le single The Line), des morceaux plus intimes, intenses et solennels ensuite (à partir de Waiting, qui sonne comme un classique conçu pour être repris par Jeff Buckley au Sin-é), précédant un final en majesté (Blood Bond, parfait morceau de rappel). Ces bonheurs ont un prix : ils sont une sublimation d’un réel vénéneux, où le vivant se fane sous la folie des hommes, les amours ne sont pas promises à un meilleur sort (I’m Lying), et où l’insécurité en toute chose reste la plus grande certitude.
08. NALA SINEPHRO – Endlessness (WARP RECORDS)
[EXTRAIT] À l’écoute, la musique de Nala Sinephro n’a évidemment rien à voir avec le bop new-yorkais de l’après-guerre. À part quelques sonorités de cuivres, il n’en reste pas un gramme. On est plus proche d’une ambient music avec vue plongeante sur un monde plus grand que ce qu’on peut raisonnablement concevoir. Chaque morceau est un univers en soi, qui ne se fredonne potentiellement pas, ne se soumet pas toujours à une pulsation, mais qui saisit toujours par sa cohérence et sa hauteur de vue. Endlessness, c’est un peu comme si les musiciens d’Alpha avaient pu convoquer John Coltrane, Nils Frahm et Colleen pour jouer avec eux et décrocher leur signature chez WARP. Ou mieux : proposer la bande originale d’un film de Miyazaki futuriste.
07. ENGLISH TEACHER – This Could Be Texas (ISLAND RECORDS)
[EXTRAIT] Une nuance plus que maîtrisée, synonyme de maturité pour ces quatre jeunes adultes qui, avec leur air de common people, semblent exécuter leurs parties franchement spectaculaires avec une facilité qui en deviendrait presque insolente, sinon offensive. Et on en redemande. Refusant de se laisser contraindre par une quelconque étiquette stylistique, This Could Be Texas est la preuve que le jeune groupe a déjà sa place dans la cour des grands, celle où les artistes définissent les genres et non l’inverse. Chaque minute du disque trace les contours de l’identité English Teacher, chez qui on reconnaît bien des influences mais qui ne sonne au final comme aucun autre nom actuel ou passé. Et si son impact se fait déjà ressentir chez nos amis d’outre-Manche, on n’ose pas s’avancer et en dire autant des formations futures.
06. CABANE – Brûlée (CABANE RECORDS)
[EXTRAIT] C’est ce mot-là qui permettrait peut-être de mieux définir ce qui se joue sur les dix chansons exceptionnelles de cet album : la fragilité. Ce miracle qu’est chaque seconde écoulée, gagnée sur le chaos, comme on marche sur un fil au-dessus du vide. Tout, ici, est fin équilibre – entre les timbres des instruments, les chœurs et les cordes, le dépouillement et les envolées orchestrales, les voix de Sam et Kate (qui n’a peut-être jamais aussi bien chanté, c’est dire les altitudes dans lesquelles on évolue), la gravité et la légèreté. Grande était la maison ; vives sont les flammes qui la dévorent à présent, en offrant la consomption comme au ralenti, la danse d’une grâce inouïe, une capitale pour la douleur.
05. KING HANNAH – Big Swimmer (CITY SLANG)
[EXTRAIT] Double apogée du disque, Suddenly, Your Hand et Somewhere Near El Paso, culminant à plus de sept minutes chacune, peuvent se voir comme les deux versants d’une même montagne – l’un baigné dans la lumière et le vague à l’âme, l’autre dans la noirceur et la friction. Deux faces qu’on dévale en même temps que sonnent ces solos tortueux que Craig Whittle extirpe avec acharnement de sa guitare. Et même si Milk Boy (I Love You) et New York, Let’s Do Nothing rappellent presque Dry Cleaning en moins sec avec leur parlé-chanté, Hannah Merrick n’est jamais aussi marquante que lorsqu’elle peut déployer sa voix veloutée et nacrée, comme de la dream pop sans même besoin d’y ajouter de la réverbération. Avec Big Swimmer, King Hannah ne nage plus avec de gros poissons. C’est le gros poisson.
04. JAMIE XX – In Waves (XL RECORDINGS)
[EXTRAIT] In Waves reprend les ingrédients principaux de ces DJ sets. Comme si, au lieu de se servir des samples pour agrémenter ses mélodies, Jamie XX faisait désormais l’inverse : le sample comme matériau primaire autour duquel construire sa chanson. Un amour des pépites diggées dans les bacs d’obscurs disquaires plutôt que les rythmes minimalistes façonnés à coup de MPC-500 comme aux débuts de son groupe, The XX. L’Anglais s’était façonné un son épique formé par empilement de couches successives – l’excellent Gosh. Désormais, il joue des ruptures, ralentit parfois le rythme ou l’accélère, entrechoque différents samples façon Kanye West – on le pressentait déjà sur les très bons singles lâchés dans la nature ces dernières années, Kill Dem ou Treat Each Other Right.
03. THE LEMON TWIGS – A Dream Is All We Know (CAPTURED TRACKS)
[EXTRAIT] Ce disque laisse un peu la même impression que le célèbre Kon Tiki de Cotton Mather (1997) : une musique sous influence mais qui conserve malgré tout sa propre personnalité, entre autres car elle pioche à d’autres sources, comme celle de Left Banke (Sweet Vibration) ou des Mamas & Papas (A Dream Is All We Know). How Can I Love Her More? est dotée d’un titre qui semble emprunté au répertoire des Beatles de 1964 mais qui sonne comme une version accélérée x2 d’un classique de Pet Sounds. Cet album est un jeu de piste aussi délicieux qu’il en a l’air : il devrait se brûler les ailes à s’approcher aussi près du feu divin mais nous rappelle en direct pourquoi ces musiques sont aussi immortelles qu’elles en ont l’air.
02. FONTAINES D.C. – Romance (XL RECORDINGS)
[EXTRAIT] Pas des très grands d’un point de vue artistique – on peut arguer qu’ils le sont déjà, et en ce qui nous concerne, depuis le début –, mais dans la reconnaissance du public mainstream, celui qui veut soit des chansons à entonner jusqu’à s’en déchirer les cordes vocales en festival, soit des extraits cools à utiliser sur TikTok, soit les deux. La bande à Grian Chatten s’en était déjà bien approchée avec I Love You, vertigineux pic de Skinty Fia (2022) qui cartonne sur la plateforme chinoise. Mais ce Romance, probablement l’album le plus pop et le plus accessible des Fontaines D.C., a bien été conçu pour rendre ces sommets-là ordinaires. Attention tout de même – ne voyez pas dans cette accessibilité recherchée un signe de paresse. Passer du post-punk pour cave poussiéreuse de Dublin au rock de stade ne signifie pas que votre beau-père finira par y trouver son compte. Fontaines D.C. reste Fontaines D.C., avec cette capacité jamais prise en défaut jusqu’ici de franchir des caps à chaque album.
01. CHARLI XCX – Brat (ATLANTIC RECORDS)
[EXTRAIT] 360, premier morceau du disque, pose d’emblée le ton de l’ère Brat et résume l’univers artistique de Charli jusqu’à présent. Avec des paroles directes et une production presque dissonante, elle célèbre son parcours unique dans l’industrie : “I went my own way and I made it / I’m your favorite reference baby”, tout en rendant hommage à son collaborateur de longue date (et acteur clé du disque) A.G. Cook : “You gon’ jump if A.G. made it”. Impressionnant d’efficacité autant que de nuance, le disque se déroule comme un message à double portée : sont servis sur un plateau d’argent des hymnes pop remplis de confiance pour les noctambules qui tapent du pied sans se soucier du lendemain (Club classics, Von dutch, 365…) mais aussi des messages à la vulnérabilité assumée pour celles qui s’enferment pleurer dans les toilettes voisines (Sympathy Is a Knife, Girl, So Confusing, I Think about It All the Time…).
01. BETH GIBBONS – Lives Outgrown (DOMINO RECORDS)
[EXTRAIT] L’album s’ouvre et se clôt avec les notes lentes tirées d’une guitare acoustique, le cours songeur d’instruments à vent, la pulsation grave de tambours. C’est la flèche tirée par l’archère, qui indique le nord à ce disque qui s’évertuera à le perdre, emprunter d’autres voies. Les cordes se font jour, étrange Orient ; la voix de Beth se dédouble, rayonne, se diffracte à l’infini ; l’électricité taille des brèches magnétiques et guitare ou basse ouvrent large le champ, durcissent le ton. Une réalisation aux mille détails – un rêve de célesta, le passage éclair de balais, un vibraphone qui s’immerge, une cymbale frottée à l’archet, un violoncelle qui dévisse, un violon qui bégaie, un chœur qui en un virage inouï s’échappe, des percussions qui s’amusent – offre à chaque écoute son lot d’inattendus, enracine l’écoute en un terreau fourmillant. Ce monde mouvant s’accorde aux humeurs de la voix de Beth Gibbons, se règle en une danse dont elle seule connaît les ressorts secrets.