Divorce - Photo credit: Flower Up & Rosie Sco
Divorce – Photo credit: Flower Up & Rosie Sco

Alors que Divorce s’apprête à présenter son premier album "Drive to Goldenhammer" le 25 avril sur la scène du Hasard Ludique, retour sur notre rencontre avec le groupe anglais, réalisée en novembre dernier à l’occasion du Pitchfork Avant-Garde.

Je vous ai découvert en cherchant la prog du festival Rock In The Barn 2024. Et ça m’a fait développer une fascination pour Heaven is a Long Way

Tiger Cohen-Towell (basse/chant) : On va la jouer ce soir. Elle est vers la fin du set. Comme sur l’EP. Enfin… Elle faisait office de conclusion sur l’EP, oui. Mais en live, on s’est dit que ce serait peut-être un peu trop triste pour finir là-dessus.

Ouais, mais parfois, après un concert, on a besoin d’un moment fort comme ça. C’est pour ça que je l’écoute autant. J’adore ce côté mélancolique, cinématographique, avec la montée progressive.

Tiger : On y a apporté quelques ajustements au fil du temps. On a un peu changé des parties. On a modifié le rythme dans la partie plus calme. C’est toujours très calme, mais autrement. Il y a maintenant une petite vibe bossa nova. Un côté rebondissant, mais toujours doux et triste.

Mais comment est née cette chanson ? Quelle est son histoire ?

Felix Mackenzie-Barrow : C’est une réflexion sur l’enfance, en fait. Une réflexion sur ma vie, un miroir de celle de mes parents, pendant mon enfance. Mes parents étaient souvent en tournée quand j’étais petit. Ils géraient une petite compagnie de théâtre. Ils la dirigent encore. L’un des deux était toujours parti, et j’ai beaucoup de souvenirs de mon père qui partait ou rentrait, ou de ma mère qui faisait la même chose. Ça parle aussi de l’amitié entre Tiger et moi, qui date de longtemps, et de l’effet que les tournées peuvent avoir sur ça.

C’est une super chanson pour conduire. 

Tiger : Oui, vraiment. On est spécialisés en chansons pour prendre la route.

Tu dirais que tout artiste qui veut faire un bon morceau doit un peu jouer un rôle sur scène ?

Tiger : Je pense que les gens ont moins peur d’être théâtraux aujourd’hui. Évidemment, il y a des sous-cultures musicales plus introverties. On n’est pas non plus hyper théâtraux sur scène, mais nos paroles et nos mélodies sont expressives. On s’inspire beaucoup du théâtre musical, parce qu’on en a fait enfants.

Felix : C’est bien d’avoir cet espace pour exprimer ces émotions. Parfois, c’est très performatif, mais souvent, c’est juste vivre les paroles. Un bon acteur, un bon interprète sait que l’émotion doit être dynamique. Ce n’est pas toujours surjoué. Parfois, c’est juste sentir les paroles, ou comment tu joues ton instrument. C’est ça être théâtral de manière efficace et touchante.

Quel est le truc le plus bizarre qui vous soit arrivé en concert ?

Kasper Sandstrom (batteur) : Le plus bizarre… J’ai vendu mes chaussettes. J’étais en coulisses et j’ai reçu un appel de Félix «viens au stand de merch avec une paire de chaussettes». OK…? Mais en fait, un mec voulait m’acheter les chaussettes que j’avais portées sur scène. Et je les ai vendues pour 75£.

Revenons à vous. Vous allez sortir Drive to Goldenhammer (le disque est depuis sorti, l’interview a été réalisée en novembre 2024, ndlr). Que pouvez-vous me dire à propos de cet album ?

Felix : C’est le premier ensemble de morceaux qu’on a fait et qui nous semble cohérent. Pour nous en tout cas, il y a des thèmes unifiés. Il y a des raisons précises pour lesquelles ces chansons se retrouvent sur le disque. C’est aussi une opportunité, parce que c’est un format plus long, d’explorer des structures moins classiques. Il y a quelques morceaux plus longs. C’est le premier album, c’est un peu ta carte d’identité officielle. Mais qui sait combien de temps elle restera ? Parce que même dans cet album, il y a encore tellement de choses qu’on a envie d’explorer.

Tiger :C’est tellement plaisant de sortir ce disque. C’est notre meilleur travail, à mon avis. Parce que c’est aussi le plus insaisissable. On a tout écrit et développé ensemble, dans la même pièce, on l’a beaucoup joué en live. Et je trouve qu’il y a une vraie liberté dans cet album. Tu ne cherches pas à plaire à l’industrie, à qui que ce soit d’ailleurs. C’est une des choses les plus libératrices qu’un·e artiste puisse faire : réunir une collection de morceaux de cette ampleur.

Et l’histoire derrière le nom de l’album ? Golden Hammer, j’ai découvert, il y a seulement quelques heures, que c’était un concept en philosophie : un biais qui consiste à surutiliser un outil auquel on est habitué, en se disant qu’avec cet outil, on peut tout faire. Par exemple, si ton “Golden Hammer” est littéralement un marteau doré, tu peux planter des clous, mais pas faire grand-chose d’autre.

Felix : Le terme “Golden Hammer” est venu par accident, dans un texte. J’ai juste écrit ça, et après coup, j’ai découvert que ça existait vraiment, et que ça voulait dire exactement ce que je cherchais à exprimer.

Tiger : Il y a pas mal d’expressions comme ça dans nos morceaux. Elles sont venues d’un endroit subconscient. Donc on a décidé de garder “Golden Hammer” – On a juste fusionné les mots pour en faire un nom de lieu.

Au début je pensais que c’était un endroit au Royaume-Uni, comme “Black Country”… Et si vous deviez choisir : quel serait votre golden hammer à vous ?

Tiger : Un spray au sel. Mes cheveux ne seraient rien sans ça.

Felix : Simple mais efficace Je dirais peut-être… la caféine. Ou un bonbon, un truc sucré. Mais en vrai, ça ne suffit jamais vraiment.

J’ai lu un article là-dessus. Avant, les gens se faisaient plaisir en s’achetant des vêtements, des choses chères. Aujourd’hui, notre génération n’a pas les moyens, donc on se contente d’un petit plaisir. C’est pour ça qu’il y a plein de boulangeries “instagrammables”, parce que c’est une manière d’avoir un petit truc mignon à s’offrir.

Tiger : Je suis complètement accro à ça. Je pense que tout le monde l’est un peu. Moi, c’est grave.

Et avec un nom pareil, vous êtes condamné à ne faire que des chansons sur des relations qui déçoivent ?

Felix : On a quelques chansons là-dessus, ouais.

Tiger : On a choisi le nom Divorce, mais on ne voulait pas en faire un concept à part entière. Ce n’est pas l’album qui a été pensé à partir de ça. Mais le nom est quand même symbolique. Il reflète notre duo de parolier·ère·s, deux points de vue sur une même chose.

Vous êtes ici dans le cadre du Pitchfork Avant-Garde, mais est-ce que vous diriez que vous êtes un groupe « avant-garde » ?

Tiger : Bonne question. Je pense qu’on a tous eu des éléments avant-gardistes à un moment ou un autre. Musicalement et visuellement, ouais. Mais c’est un terme très large, donc c’est difficile à dire. On écrit souvent des morceaux selon des formules assez classiques, donc pour moi… je ne dirais pas qu’on est « avant-garde ». Mais tout dépend du contexte.

Après, avant-garde, c’est vague. Tu peux même dire que quelqu’un qui t’achète des chaussettes à la fin d’un concert, c’est avant-gardiste.

Tiger : Ça, c’est vraiment avant-gardiste.

Felix : Aujourd’hui en rentrant en voiture, j’ai vu des vaches qui formaient un cercle, debout, autour d’une tâche de craie blanche au milieu d’un champ. Ça, c’est de l’avant-garde. Mais ne rien savoir, c’est avant-gardiste aussi.

Un autre long format ?