Le fameux label londonien réédite enfin Brasil, sorti en 1994. Dix morceaux remasterisés pour l’occasion, qui composent une introduction classe aux musiques brésiliennes.
Berceau de la saudade, aux rythmes fiévreux et à la langue chantante, le Brésil fascine. À juste titre, comme le prouve encore le sobrement intitulé Brasil, album réédité par Soul Jazz Records. Entièrement remastérisé, ce disque de la fin de l’année 1994 vient nous rappeler la cruciale richesse musicale de ces terres. Le projet s’inscrit certes dans cette tendance de la réédition perpétuelle, mais il reste pertinent, tant les clichés sur le Brésil – comme ceux de l’accroche de ce papier – restent encore ancrés dans les imaginaires.
La grande qualité de Brasil, disons-le d’emblée, est son défaut. Un riche panel, qui à force de diversité, s’épargne d’explorer les détails. Ce n’est certes pas sa vocation, mais pour les oreilles un poil initiées, point de bouleversantes découvertes. C’est dit. Mais notons surtout que ce parti pris, adossé à une haute exigence, n’enlève rien au plaisir et à l’intérêt qu’on en retire : chaque morceau étant à la fois modèle du genre et exception.
Stuart Baker, fondateur de Soul Jazz Records, a réuni à Rio quelques-uns des plus grands musiciens de l’époque. Des musiciens dont les parcours respectifs font une sorte synthèse – si cela est vraiment possible – de la musique brésilienne. Au casting, on retrouve Sivuca (prolifique accordéoniste et guitariste, actif dès la fin des années 1950, aujourd’hui disparu), Celia Vaz, (aux arrangements de plusieurs albums de Quarteto Em Cy), le batteur Dom Um Romao (membre de Brasil 65, premier groupe de bossa-nova de Sergio Mendes), ou encore Joyce Moreno dont le chant et les vocalises sont célèbres dans tout le pays. Des batucada endiablées, à la chanson de capoeira, en passant par de la sublime MPB (música popular brasileira) un brin psyché de Mágica, tout, ou presque y est.
La réédition met à l’honneur ce folklore baigné de sons 1990’s – fretless bass, pianos électriques et cuivres d’alors – et souligne le flaire de ce label toujours juste. Sur le morceau Berimbau, on entendrait même revivre le célébrissime Canto de Ossanha, chef d’oeuvre de Vinicius de Moraes. Ce musicien et poète central de la culture brésilienne, dont les vers (“(…)Mais la beauté est fondamentale. Il faut // Dans tout cela qu’il y ait quelque chose d’une fleur, // Quelque chose d’une danse, quelque chose de haute couture”) résonnent comme le mot d’ordre de cet album.
Benjamin Petrapiana