Le nouvel album de Baptiste W. Hamon éloigne progressivement le songwriter de ses précédentes influences country pour des chansons audacieuses de folk en Français. L’artiste sera en concert à Paris ce 21 mai. On aura quelques places à vous faire gagner… Restez connectés.

L’Insouciance, son premier album sorti en 2016, et les EP qui l’avaient précédé auraient pu sceller définitivement le style de Baptiste W. Hamon et fixer un plan de carrière aux lignes bien tracées : il aurait été ce chanteur de country à la française, avec tout ce que ce qualificatif ouvrait comme perspectives et fermait comme possibilités. Cela aurait été plus simple mais certainement moins passionnant… «J’aurais pu faire un deuxième album similaire au premier, mais j’aimais l’idée d’aller là où on m’attendait moins, analyse-t-il au moment de faire paraître Soleil, Soleil Bleu. Je voulais emmener mes chansons non pas ailleurs, mais plus loin. C’est un disque que j’ai composé en très grande partie aux États-Unis, c’est vrai… Et les disques qui m’accompagnaient à ce moment-là étaient des disques de country ou d’indé folk, ceux de Jason Molina ou de Bill Callahan. Mais j’ai voulu travailler avec des gens comme Xavier Thierry et Alexandre Bourrit, qui maîtrisent très bien l’americana et le folk, mais viennent surtout d’autres univers. On a fait une sorte de tambouille géniale en studio, on a essayé beaucoup d’arrangements nouveaux. Finalement, ce disque a mis trois ans à sortir, parce que je voulais avoir le temps de tenter plein de choses, d’essayer des arrangements différents sur les chansons

Déjà, sur L’Insouciance, on quittait parfois les territoires américains, pour des musiques plus proches et familières (Les Sycomores), on y flirtait aussi avec une idée de noble variété folk, en s’inscrivant modestement dans les pas de Graeme Allwright ou de Maxime Le Forestier à sa période barde. Mais pas aussi ouvertement que sur Soleil, Soleil Bleu. Chanson française aux effluves indé, poésie mise en musique (le titre éponyme, magnifique), nostalgies et appropriations affirmées : Baptiste W. Hamon surprend ceux qui l’avait cantonné à une seule expertise. Sur Bloody Mary, il flirte même avec la pop électronique (un hybride singulier entre Cure et 16 Horsepower). «Ça fait partie des essais en studio, sans pression aucune. Alexandre Bourrit avait une idée de boite à rythme et de riff de guitare, on a essayé et tout de suite j’ai su que c’était ça… Pourtant, la chanson était lente quand je l’ai composée, et jouée en picking sur les démos. Mais ça me plaisait et c’est une facette de moi que je voulais montrer aussi.» Sur J’aimerais tant que tu reviennes, il est plus classique, presque suranné. Sur Le Visage des Anges, c’est la poésie de ses textes qui touche et bouleverse. Il choisit aussi de revisiter certains de ses anciens morceaux. «Hervé, j’en avais déjà une première version sur un EP (Quitter l’Enfance en 2014). J’en étais satisfait, mais avec le temps, je trouvais qu’elle me ressemblait moins. C’est le jeu, un peu frustrant, des enregistrements : une chanson devient figée. Tes chansons vivront toujours sous une forme, même si tu en as envisagé d’autres pour elles. Mais une chanson peut toujours être réarrangée et réenregistrée autrement.»

UNE HISTOIRE D’AMITIÉS

Preuve d’une affirmation supplémentaire, Baptiste W. Hamon se permet de tutoyer une de ses figures tutélaires, Will Oldham, de réinterpréter une de ses chansons (Mon Capitaine, adaptée du Black Captain, sur l’album Wolfroy Goes To Town de Bonnie Prince Billy en 2011) et d’inviter son auteur à venir faire les choeurs. Il accueille aussi Christophe Miossec sur ce disque et lui réserve un traitement similaire à celui de Will Oldham : un peu en retrait… «Les deux duos de cet album sont moins évidents et présents que ceux du premier. Miossec dit quelques lignes sur Hervé, Will Oldham fait les choeurs sur Mon Capitaine. Ça n’a pas été théorisé comme ça, moi devant et eux derrière. Miossec, c’était un clin d’oeil. Il m’a souvent invité en première partie ces trois dernières années, c’était une rencontre importante et je voulais l’inviter sur le disque. Je savais qu’il aimait Hervé, mais on ne pouvait pas faire un vrai duo sur cette chanson, je lui ai donc donné le rôle d’un personnage de la chanson. Pour Will Oldham je ne voulais pas non plus donner l’impression d’une redite (l’artiste américain chantait déjà sur Comme la vie est belle, sur L’Insouciance, ndlr). Qu’il apparaisse de nouveau, plus discrètement, était un autre clin d’oeil.» Ou un passage de relais, le choix des mots de la chanson n’est pas innocent : «J’étais son élève / Il a fait ma fortune […] Je lui ai dit il est temps / À mon tour d’aller faire ma vie». «J’aime ces personnages intègres, humbles, talentueux. Je suis toujours impressionné et intimidé de rencontrer quelqu’un que j’écoute depuis mes quinze ans, mais il a su me mettre à l’aise tout de suite, de façon très simple, et pas superficielle. Tout comme Miossec.» Une histoire d’amitiés en somme.

Sur tous les disques de Baptiste W. Hamon, on retrouve plus de noms que nécessaire, des noms récurrents (Alma Forrer, Noé Beaucardet…), des noms établis (Mark Daumail, Tatiana Mladénovitch…) et d’autres plus obscurs mais tout aussi importants pour lui. «Sur ce disque, j’ai invité un pote suédois Gunnar Jansson à venir jouer du saxophone. Ça pourra n’intéresser personne, mais moi, je suis content que mon pote suédois soit venu jouer sur mon disque. Je trouve qu’il y a un esprit folk dans cette démarche, qui rappelle le folk des années soixante-dix où les gens jouaient sur les disques des autres, reprenaient les chansons des autres. On mettait son ego de côté et on s’en foutait. On fait de la musique pour le plaisir et parce qu’on aime ça. Pas pour la gloire et les paillettes, surtout pas pour les paillettes.»

Article initialement paru dans Magic n°215. Lire notre chronique de Soleil, Soleil bleu (BMG) dans le Magic n°214.

Rencontre : Julien Courbe
Photographie : Julien Bourgeois

Un autre long format ?