Toujours pas calmé, Bob Mould profite de la réapparition plus ou moins pathétique de farfadets qui lui doivent tant (Pixies) pour balancer sa seconde salve thermonucléaire en moins de deux ans. On se souvient qu’à l’époque du premier LP de Sugar (Copper Blue, 1992), l’ancêtre avait déjà ridiculisé Black Francis et ses sbires avec un single comme A Good Idea. L’excellence engagée de Silver Age (2012) avait bien bluffé son monde et Beauty & Ruin confirme à nouveau dans les grandes largeurs la verve actuelle et la verdeur permanente de l’ex-leader d’Hüsker Dü. Toujours flanqué d’une section rythmique de haute précision (Jon Wurster de Superchunk et Jason Narducy), dévouée au songwriting exquis mais tendu du maître, Beauty & Ruin s’ouvre en traître avec les bruits de chantiers de Low Season, midtempo un brin plombé.
Mais le propos s’affine de suite sur Little Glass Pill, comme à la grande époque de Candy Apple Grey (1986), suivi de près par I Don’t Know You Anymore, qui annule et remplace avantageusement tous les rebuts de l’emo apparus depuis dix ans avec une clarté mélodique et une puissance d’exécution qui renvoient même aux sacro-saints Buzzcocks. Sans parler de l’évident single Hey Mr. Grey et du tout à fait toxique Fire In The City. Dans une veine un peu plus introspective mais pas moins saillante, The War, Nemeses Are Laughing, l’acoustique Forgiveness et Let The Beauty Be nous plaisent tout autant. Deux pirouettes quasiment hardcore (Kid With Crooked Face, Fix It) complètent l’ensemble avec un aplomb une fois de plus magistral. Pas prêt à raccrocher les gants, Bob Mould est le Dino Zoff ou le Peter Shilton du bruit américain, le plus solide gardien du temple.