Big Thief / Sharon Van Etten. Avec cette double affiche luxueuse, la traditionnelle soirée d’ouverture de la Route du Rock, dans la salle de la Nouvelle Vague, n’avait rien à envier aux réjouissances qui allaient suivre à partir du lendemain au Fort de Saint-Père. Deux des meilleures songwriteuses que nous ait offertes l’Amérique ces dix dernières années (et qui trouvent logiquement leur place dans notre numéro collector “Les 150 disques qui ont fait les années 2010“) se succédaient sur scène. Entre deux morceaux, l’une et l’autre ont d’ailleurs confié au public leur admiration mutuelle. Si le show de Van Etten a impressionné par son efficacité – une machine hyper (trop ?) bien huilée, à l’instar de son très produit dernier album, Remind me Tommorow -, celui du groupe d’Adrianne Lenker nous a touchés en plein cœur.
Il faut dire que cela avait plutôt bien débuté quand la veille le label 4AD annonçait par surprise la sortie d’un nouvel album en octobre, soit le deuxième Big Thief de l’année après le déjà excellent UFOF. Ce sont logiquement ces deux disques qui ont apporté la matière première à un concert placé sous le signe de l’éclectisme, entre ballades folk épurées, pop songs tapissées des arpèges inspirés du guitariste Buck Meek et pluies d’électricité qui tombent sans prévenir, à l’image de la toujours incertaine météo malouine. Not, le premier single issu de Two Hands se termine ainsi en déluge sonique digne du Crazy Horse de Neil Young.
Mais tout autant que des chansons, ce sont des images qui resteront à jamais ancrées dans nos mémoires. Celles d’un groupe tout entier tourné vers son batteur James Krivchenia, véritable chef d’orchestre au tee-shirt jaune fluo aussi ample que le maniement théâtral (mais subtil) de ses baguettes. Et surtout celles d’une chanteuse au charisme évident et à la personnalité insaisissable, capable d’excès de douceur comme de rage. De mots rassurants tels “Everybody needs a home and deserves protection” dans le superbe inédit Forgotten Eyes, qui clôt le concert, comme de cris stridents dans Contact, morceau d’ouverture de UFOF, qui n’était donc que le premier volume des passionnantes aventures de Big Thief en 2019.
Matthieu Chauveau (à Saint-Malo)
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15 août 2019